III : De la politisation de « l’exclusion » à l’institutionnalisation de la participation de groupes comme acteurs des politiques publiques

A : La lutte contre les exclusions au cœur du débat public : de l’offre politique en acte législatif 

Nous nous sommes interrogé sur les enjeux de « la politisation » de la thématique « exclusion » lors de l’élection présidentielle de 1995. La mise sur l’agenda politique de l’idée d’une loi contre les exclusions commence à prendre forme lors du forum « Vaincre l’exclusion »organisé en mars 1995 et qui constitue probablement une étape déterminante dans le processus de « politisation » de la lutte contre les exclusions. Ce forum fut une opportunité pour les principaux candidats à l’élection présidentielle, Edouard Balladur, Jacques Chirac et Lionel Jospin qui, à l’unisson, répondent favorablement à la demande du collectif Alerte. Les présidentiables ont ainsi décidé de faire de la loi contre les exclusions une offre politique.

Il convient de rappeler que cette offre politique est une demande récurrente du groupe de cause ATD Quart-Monde. En effet, depuis l’adoption du rapport du Conseil économique et social présenté par Joseph Wrésinski en 1987, le groupe de cause ATD Quart-monde n’avait cessé de demander l’adoption d’une loi d’orientation contre toutes les formes d’exclusion. Cette requête a été soutenue par l’ensemble des groupes de cause du collectif Alerte, avant que les candidats à l’élection présidentielle de 1995 se convainquent de faire adopter une loi contre ce phénomène social.

La nécessité de faire adopter une loi contre les exclusions semble rapidement faire l’unanimité au sein de la classe politique. Ce consensus « politique » conforte la démarche des représentants des groupes de défense de la cause des plus démunis. L’action des médias a été, semble-t-il déterminante, pour alerter l’opinion publique sur une situation sociale que certains groupes de cause qualifient de scandaleuse. Notre attention s’est alors portée principalement sur deux médias : La Croix et France Inter qui ont largement concouru à la promotion de la cause « des plus démunis », poussant ainsi les décideurs politiques à se saisir d’un problème sociale majeur et à procéder à l’adoption d’un dispositif législatif. La médiatisation de ce problème tend à montrer la détermination de la presse à contribuer à l’émergence de « l’exclusion » comme problème social et politique dominant de la présidentielle de 1995. Nous pensons que l’intervention de ces médias dans l’espace « politique » obéit à une nouvelle philosophie et approche : celle de médias « humanistes » et acteurs de la vie politique et sociale.

La politisation de la lutte contre les exclusions ne peut toutefois se réduire à une simple opération qui consisterait en l’inscription de ce problème sur l’agenda médiatique et politique. Elle s’inscrit en fait dans la continuité de l’action de maturation de cette question initiée par le Conseil économique et social. En effet, le Conseil économique et social réfléchit, depuis les années 1970, à la question de la lutte contre la « pauvreté ». Il conçoit, analyse et élabore des stratégies pour mieux lutter contre l’exclusion. Le capital de savoir que revendique le CES lui valent d’ailleurs d’être consulté régulièrement par les gouvernements d’Alain Juppé et de Lionel Jospin avant la présentation au Parlement de leur projet de loi de Renforcement de la cohésion sociale et de Lutte contre les exclusions.