B : Une loi humaniste et novatrice ou la  re conceptualisation de la lutte contre la pauvreté

La loi relative à la lutte contre les exclusions est un acte législatif qui tente de saisir globalement la problématique de l’exclusion et de lutter contre ce phénomène social par l’affirmation du respect de la dignité humaine et par l’effectivité des droits de l’Homme. Cette loi marque une rupture conceptuelle avec les lois précédentes qui avaient été prises pour lutter contre la pauvreté. Car, celle-ci ne s’attaque à une seule forme de pauvreté ou d’exclusion. Elle s’inscrit plutôt dans une dynamique multisectorielle. On alors passe de la logique du « cas par cas » à une dynamique de gestion globale des questions de pauvreté. La loi ainsi promulguée le 29 juillet 1998 est présentée comme « une politique destinée à connaître, à prévenir et à supprimer toutes les situations pouvant engendrer des exclusions » 1228 .Son objet n’est pas de créer une discrimination entre citoyens par l’octroi d’un droit spécifique qui serait dévolu aux plus démunis, mais de favoriser l’accès pour tous aux droits de tous.

Les gouvernements d’Alain Juppé et de Lionel Jospin, tout comme la soixantaine de groupes de cause, n’entrevoient la lutte contre les exclusions sociales que via l’accès aux droits fondamentaux. Cette approche constitue l’idéologie même de ce texte de loi. L’accès effectif de tous les citoyens aux droits fondamentaux apparaît alors comme « la colonne vertébrale » et l’essence même de cet acte législatif. Les promoteurs de la loi fondent leur lutte contre les exclusions en se référant au préambule de la Constitution de 1946 qui déclare que « la nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ». Ils tentent de donner plus de visibilité à l’action d’insertion sociale par l’accès à l’emploi, car « chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi ». En effet, « tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler, a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ». Par ces dispositions, lalutte pour l’emploi et la mise en œuvre des conditions d’accès à l’emploi constituent l’un des principaux axes de lutte contre l’exclusion.

Largement inspirée par les groupes de cause, la loi relative à la lutte contre les exclusions met en place des mécanismes et des procédures pour permettre aux « exclus » de s’insérer par l’accès à la justice, aux droits économique et syndical, par la protection des ressources familiales de base. Cette loi tend à sauvegarder la dignité des personnes ou des familles « surendettées » en prévoyant des « filets » pour que ces dernières ne basculent dans la grande détresse. Grâce à cette loi, les personnes sans domiciles fixe peuvent participer à la vie citoyenne comme tout citoyen, puisqu’elles ont désormais droit à une adresse, à l’aide juridictionnelle et peuvent enfin ester en justice.

En fait, la lutte contre les exclusions se fait ici à travers l’élaboration d’une loi qui indique les orientations à suivre, définit les modalités à mettre en œuvre et précise les moyens humains, financiers et matériels à mobiliser pour mieux lutter contre les exclusions. Ce texte de loi prend en compte l’aspect « curatif » par le « traitement » de ceux qui sont déjà « exclus », et prévoit en même temps des mesures préventives pour empêcher à d’autres individus de basculer dans l’exclusion. Ces dispositions ont pour objet de saisir la problématique de l’exclusion sociale tant en amont qu’en aval.

Cette loi porte donc en son cœur une valeur fondamentale : celle du respect de la dignité de tous les êtres humains. Cet idéal apparaît comme l’élément « force » de cette loi d’orientation.

Notes
1228.

Article 1er de la loi.