Entretien avec un syndicaliste : Hoareau, Président du Comité des chômeurs CGT

J’ai commencé à participer à la création du Comité des Chômeurs de la Ciotat en 1989. Puis on l’a étendu sur le plan du département en 1993 et donc je suis devenu responsable départemental et national du Comité Chômeurs CGT.

Le Comité des chômeurs CGT s’occupe de tout ce qui a lié aux politiques de travail, c’est-à-dire il s’occupe de la recherche des emplois mais aussi la perte d’un emploi, la perte de revenu, les coupures de courant, etc. On est également ouvert aux sans papiers qui sont parmi nous, c’est-à-dire les gens qui étaient sans travail et sans papiers. C’est donc tout le champ que nous couvrons.

On s’adresse à tous les chômeurs et les précaires, les intermittents, les Rmistes etc. Il n’y a pas de riche. C’est le premier critère. Dès qu’on n’est pas riche, on peut faire partie du Comité des chômeurs.

Au plan national, on mène des batailles communes. On existe avec eux (…).

Nous, les chômeurs, on a considéré que si on ne s’organise pas, on manquait à notre responsabilité première parce que les chômeurs, c’est la classe ouvrière aujourd’hui. Et la vocation d’un syndicat, c’est de défendre tous les ouvriers avec ou sans travail.

La recherche de l’emploi, c’est la première revendication évidemment.

Le chômage, c’est la voie royale pour l’exclusion. Il peut y avoir aussi des gens qui travaillent mais qui sont exclus. Ce sont les salariés pauvres. Ce sont des dizaine de milliers de travailleurs. Le chômage, c’est la première marche vers l’exclusion. Dès qu’on est au chômage, vous êtes exclu parce que vous ne travaillez pas. Vous avez le regard de la société qui vous dit que s’il ne travaille pas c’est qu’il n’a pas réussi et en plus vous vous retrouvez avec les revenus qui diminuent. Et en plus, l’ANPE vous culpabilise en permanence. Effectivement le lien est que c’est le chômage qui produit l’exclusion.

Cette mobilisation a permis aux hommes politiques d’avoir peur. C’est tout. Depuis que les chômeurs existent, les hommes politiques ont soit eu peur, soit ils nous ont méprisé. Il n’y a jamais eu de prise en compte de nos problèmes au fond. Ils ont essayé en 1997-1998 mais il n’y a jamais eu de prise en compte. Je suis responsable du comité des chômeurs depuis une dizaine d’année, je ne me suis jamais retrouvé à signer un accord avec les responsables politiques. Je crois que pour eux, ils nous considèrent comme des travailleurs qui sont sans emploi.

Normalement, un syndicat est un regroupement de gens de même catégorie professionnelle pour défendre leur intérêt. Il semble que les chômeurs ne sont pas une catégorie professionnelle parce que ce n’est pas un métier que d’être chômeur. Mais en même temps, on est uni. Car, tout ce qui nous unit : c’est la perte d’emploi, le statut social tout simplement. Donc nous avons vocation à nous organiser autour d’une structure qui se propose de défendre notre situation.

  • 10/ Pensez-vous que votre mobilisation a influé sur l’opinion publique ?

Oui, bien sûr. Notre mobilisation a creusé l’écart entre le gouvernement et l’opinion publique. Quand le 10 janvier Lionel Jospin envoie les CRS, cela a été une vraie catastrophe. C’était quant même la suppression du fond social qui est la bouée de sauvetage des chômeurs quand ils n’avaient plus leurs droits, c’est-à-dire quand ils étaient dans la rue. Le fonds permettait d’attribuer aux chômeurs 3000 francs et pouvait attribuer aux chômeurs, après le passage en commission, des sommes importantes. C’est Martine Aubry qui l’a supprimé en accord avec Nicole Notat qui présidait à l’époque l’Unedic.

  • 11/ Les propositions que vous avez faites sont-elles réalisables à votre avis ?

Je ne sais pas ce qui est difficile à réaliser pour les hommes politiques. En France aujourd’hui, 1% de personne concentre 30% de la richesse et 30% de personnes gagnent 1% de richesse. Si on ne déplace pas le curseur, vous croyez qu’on y arrivera ? A Paris, il y a chaque année un salon de plaisance, il y a des gens qui les achète à plusieurs millions d’euros. Le problème c’est qu’il faut qu’on ait un gouvernement qui a la volonté de réduire les inégalités, aujourd’hui ce n’est pas le cas.

  • 12/ Votre revendication met donc en cause tout le système économique et social en vigueur ?

Dans les années 1960 à l’époque où le capitalisme était triomphant, on pouvait se faire du fric parce qu’il n’y avait pas de chômage. En 1980, j’étais au chômage pour raison économique. Je gagnais plus que maintenant parce que je gagnais 90% de mon salaire pendant un an. Mais si c’était pour un licenciement économique, je gagnais 70% de mon salaire brute presque le salaire net. Quand on partait en formation tout le temps du chômage était gelé. Ainsi si la formation durait deux ans, on pouvait retrouver ces deux ans de chômage.

  • 13/ Et quant est-il aujourd’hui ?

Aujourd’hui, on est dans un pays où la richesse double et où l’assurance chômage devient de plus en plus dégressive. On n’a même plus le SMIC. On a une allocation forfaitaire et quand vous avez fini votre formation, vous avez perdu vos droits au chômage. Et, ça, c’est impensable dans un pays qui est de plus en plus riche.

  • 14/ Pensiez-vous à l’arrivée de la gauche que les choses allaient changer ?

Dans mon expérience de militant, j’ai pris plus de coups de matraque quand la gauche était au pouvoir que quand c’était la droite qui y était. Et, j’ai pu trouver de différence entre une matraque de gauche et une matraque de droite. Même dans la théorie, un gauche aurait pu le prendre en compte. Je suis moi-même dans un département de gauche. Et pourtant, j’ai vu ce que veut dire le mépris.

  • 15/ Les organisations de chômeurs demandaient à devenir membres de l’Unedic, trouvez-vous cela raisonnable ?

Il est invraisemblable que les chômeurs qui ont cotisé au moment où ils étaient en activité ne soient pas représentés dans les instances dirigeantes de l’Unedic. C’est un non sens. Il n’y a pas d’exemple de catégorie sociale qui ne soit pas représentées là où ses intérêts sont enjeux. Ainsi l’absence des chômeurs à l’Unedic est tout à fait contraire aux règles normales du droit social, de la représentation et de la démocratie.

  • 16/ Peut-on traiter les Comités de chômeurs comme des groupes de pression ?

Oui, on a essayé, mais la grosse pression qu’on avait faite concerne le dossier des recalculés. On s’est servi de la justice pour pouvoir faire tomber une disposition qui privait les jeunes de leurs revenus.

  • 17/ Durant la préparation de la loi, aviez-vous participé aux réunions avec les décideurs politiques ?

Si, on a eu une rencontre avec Join-Lambert, on avait écrit à Lionel Jospin et au ministre de l’emploi de l’époque Martine Aubry. On leur avait demandé d’établir le fonds social et il faut que l’on soit membre de l’Unedic. Et, on avait même fait des propositions très précises sur le financement de l’Unedic, mais ils ont dit non.

  • 18/ La loi contre les exclusions a instauré les comités de liaison, sont-ils efficaces ?

Sur Marseille, il y a des comités de liaison. Selon moi, ces comités ont été institués pour amuser la galerie. Bon voilà. Ça fait longtemps qu’il s’est réuni. Quand on se retrouve dans ses réunions où il y avait 50 personnes, 48 sont en costume, cravate et 2 sont chômeurs. Donc l’efficacité des Comités de Liaison, je ne crois pas trop. Et dans d’autres comités, on n’a jamais été invité à siéger.