Evaluation

Il n’est pas de dispositif d’ingénierie didactique sans dispositif de contrôle ou d’évaluation : or le mot évaluation a le vent en poupe dans l ‘éducation

Si l’on se réfère aux textes gravitant autour du système éducatif français (textes officiels, commentaires, articles de la littérature pédagogique, etc.) on assiste à une récente inflation de l’usage du mot évaluation.

Avant la fin des années soixante, en effet, on construit des examens 25 , on réfléchit à la notation en termes statistiques (depuis les années vingt Piéron a introduit la notion de docimologie) et l’évaluation est complètement absente. En revanche, à la fin des années soixante-dix, le mot « évaluation » est un des mots les plus en faveur dans le champ des sciences de l’éducation.

Il existe sans aucun doute plusieurs raisons permettant d’expliquer ce constat :

- le système éducatif a une « crise de croissance » aussi bien en termes d’effectifs qu’en termes de contenus,

- certains courants de pensée remettent en cause la « sélection par l’échec » et dénoncent publiquement les outils « examens » et « contrôle » mis à son service,

- le monde économique s’investit dans la formation continue et veut se donner les moyens de mesurer la rentabilité des sommes engagées.

Les grands paradigmes unifiants qui ont remis en cause le fonctionnement de la société et de l’école se sont effondrés en tant qu’instruments de rénovation laissant place aux outils du monde économique (on apprend ainsi à « gérer son temps », à « planifier » des tâches d’apprentissage, à estimer la « rentabilité » d’un système éducatif, à être un « gestionnaire des ressources humaines », etc.).

Alors « tout » devient évaluation et l’on évalue aussi bien les capacités en mathématiques d’un élève de sixième que le rendement d’un institut de formation des maîtres.

Mais cette polysémie grandissante n’est pas sans entraîner quelques difficultés et le nombre d’adjectifs va croissant : on parlera ainsi d’évaluation sommative, formative, implicite, interprétative, instituée, spontanée, diagnostique, formatrice, d’auto-évaluation, de macro-évaluation, de micro-évaluation, …

Ayant pris place dans tous les champs du savoir, l’évaluation a acquis une position institutionnelle attestée par des domaines spécialisés, des travaux et des contenus de recherche, des définitions de postes de travail, des domaines d’étude tels que la « sociologie de l’évaluation », tandis que, sous la pression du monde économique, l’évaluation glisse, de l’évaluation des connaissances d’un individu à l’évaluation des systèmes éducatifs.

Il est difficile de trouver sa route dans un chemin aussi touffu, et, afin d’y voir plus clair, je vous propose d’appliquer le schéma suivant.

Mais si cette dichotomie a le mérite de savoir « ce que l’on fait » elle est trop simplificatrice. En effet dans tout contrôle il y a une partie évaluation : par exemple avoir une bonne note au contrôle de mathématiques rassure le sujet.

Et réciproquement une évaluation ne peut s’envisager sans un système de référence et donc sans des procédures ressemblant à du contrôle. Nous sommes en face d’un phénomène « à curseur » :

Nous venons de le voir, nos pratiques pédagogiques sont traversées par un axe allant du contrôle à l’évaluation. Mais les apprentissages sont (ou devraient être) également structurés par la complexité des objets d’apprentissage considérés.

Et trop souvent on constate que les stratégies d’apprentissage sont une extrapolation de modèles d’apprentissages construits pour des situations simples. Ces méthodes qui sont rejetées des activités industrielles (qui irait, en effet, construire un avion d’un kilomètre de long de la même façon qu’un avion de trente mètres de long ou un avion en métal comme un avion en papier ?) restent souvent présentes dans les activités éducatives et expliquent plus d’un échec.

Il s’agit d’une non prise en compte de la complexité des processus d’apprentissage liés à des tâches complexes.

Non ne développeront pas diverses approches de la complexité et nous resterons sur une approche peu formalisée mais assez efficace finalement : il y a complexité lorsque l’apprentissage n’est pas décomposable en une séquence d’éléments que l’on peut apprendre directement et indépendamment ; ainsi en mathématiques l’intégration est plus complexe que la dérivation. La limite entre complexe et non complexe n’est pas comme précédemment un phénomène continu mais plutôt un champ comportant des niveaux et des sauts à faire pour passer d’un niveau à l’autre.

Notes
25.

Du latin examen, au propre «aiguille de balance», de exigere, au sens de «peser», 1339.

26.

le mot vient de « contre-rôle », registre tenu en double 1367