1. Des formations différentes

a) la situation dans la première moitié du XVII e siècle

Au XVIIesiècle, les pasteurs paraissent mieux formés que les curés. Les réformés assurent à leurs pasteurs une formation assez poussée. Ainsi, Isaac Meissonnier, fils de notaire et pasteur à Saint-Sauveur de Montagut dans la vallée de l’Eyrieux, rappelle qu’il a fréquenté les écoles pendant un an et demi, puis il va étudier à l’académie de Die la philosophie et la théologie pendant 6 ans. 71 Cet exemple ne paraît pas exceptionnel. S. Mours rappelle un peu plus tôt dans le siècle la même formation à propos d’Isaac Homel, pasteur à Soyons. 72 I. Homel est né à Valence vers 1620. Issu d’une famille de petite bourgeoisie, son père est avocat au parlement de Dauphiné, il obtient un doctorat en droit à l'université de Valence. Il est élevé dans une atmosphère de piété ; la prière, avant et après chaque repas, rythme la journée. Le soir, toute la famille écoute Abraham Homel, le père d'Isaac, lire un chapitre de la Bible, ils chantent un psaume et récitent une prière. Homel fait ses études à l'académie de Die, qui comprend une faculté de théologie et d'arts. La première étape à franchir est le collège comprenant sept classes. Aux récréations les élèves doivent parler en latin « à peine de fouet ». Après le collège en 1635, Homel passe à l'université. Après un an de philosophie, il devient bachelier, puis une deuxième année lui permet d’obtenir la maîtrise ès arts. Ensuite, il continue ses études de théologie. La formation comprend l’apprentissage de l’hébreu, la théologie, la formation à la controverse et à la proposition, c’est à dire l’initiation à la prédication. La formation à la controverse est un point commun avec les prêtres catholiques. Mais elle est, dans le cas des pasteurs, plus précoce. Il est reçu pasteur en 1641, il a 21 ans, par le synode du Dauphiné. La réception se déroule en deux temps. A l’issue de la formation, le synode de l’année reçoit le proposant et le soumet à une double épreuve sur les textes du Nouveau Testament, en français et en latin 73 . Ces deux exemples confirment la différence de formation entre pasteurs et prêtres. Homel atteint, après son passage à l’académie de Die, le

niveau d’un doctorat en théologie. Certains prêtres accèdent également au doctorat mais ils sont une minorité. Les différences de formation permettent de porter un regard critique sur les documents d’époque annonçant un triomphe des catholiques lors des controverses et permettent de comprendre l’appel très fréquent à des prédicateurs étrangers, comme Le Féron, à Vernoux en 1657.

Les constats observés dans cet exemple semblent pouvoir être étendus aux trois villes étudiées. Les pasteurs de la région de Privas, les Reboulet, ceux d’Annonay (Vinay, Genoyer, Janvier) ont suivi également la formation de l’académie. Les pasteurs d’Annonay se forment à Genève 74 alors que ceux de Privas fréquentent les cours de l’académie de Die. La formation des curés n’est pas toujours connue. Dans la première moitié du XVIIe siècle, à Privas, le seul curé dont nous connaissons la formation est Rouvier, il est bachelier en théologie. Les actes d’insinuations ecclésiastiques ne signalent aucune formation universitaire pour les deux curés Teyssier de Villeneuve-de-Berg. En revanche les trois curés d’Annonay de la première moitié du siècle sont tous docteurs en théologie (Guast, Courbon et Gayot). L’analyse d’ensemble confirme donc la différence de formation mais elle fait apparaître des situations locales particulières. Dans le cas d’Annonay il n’y a pas de réelle différence de formation. Est-ce une explication à la controverse de 1624, le clergé catholique se sentant plus assuré face aux pasteurs ? Ou faut-il simplement considérer que le climat d’apaisement qui règne à Annonay a favorisé la tenue de cette controverse ? Dans les deux autres villes aucune rencontre contradictoire n’est organisée. La situation d’Annonay apparaît donc originale.

Notes
71.

Isaac Meissonnier, « Mémoires », publié par Charles Aurenche, Revue du Vivarais, 1914, pp. 433-459.

72.

S. Mours, Isaac Homel et son temps, un pasteur martyr au XVII e (1629-1683), publications du Musée du Désert en Cévenne, 1945, p. 15-20.

73.

D’après S. Mours, ouvrage cité, p. 15-20.

74.

STELLING-MICHAUD S., Le livre du recteur de l’académie de Genève, 1559-1878, notices biographiques des étudiants, A-C, 1966, D-G, 1972, H-M, 1975, N-S, 1976, T-Z, 1980, Droz, Genève, p. 140, 445, 500, 592.