L’évolution des modes de croire des réformés

Quelle est la réalité de la crise religieuse chez les réformés au XVIIe siècle en Vivarais? La thèse développée par Ph. Joutard 117 est qu'au XVIIe siècle, la communauté protestante aurait tendance à s'affaiblir. Les arguments retenus sont par exemple le déclin des effectifs, le maintien d'une soumission totale à l'autorité royale, l'absence de réaction face aux persécutions engagées après 1661 ou le départ des nobles des rangs des réformés. Or, en 1683, S. Mours le rappelle, les réformés du Vivarais réagissent activement, en organisant une résistance non violente à l’initiative de Claude Brousson et du pasteur Isaac Homel. Ces derniers appellent les fidèles à participer à des cultes sur les emplacements des temples déjà détruits pour protester. Cette manifestation pacifique est suivie d’un essai de résistance violente dans la région des Boutières. En revanche, les fidèles des trois villes étudiées participent très peu au mouvement, à l’exception de Privas 118 . L’autre argument, parfois retenu afin de montrer l’affaiblissement de la foi des réformés, consiste à souligner l’importance des abjurations, souvent même avant l'arrivée des dragons. Le récit des exactions en Poitou et le Béarn, largement véhiculé, a-t-il pesé suffisamment sur les esprits ? Le passage régulier des troupes dans la région, et son cortège de violences, en temps de guerre comme en temps de paix, ont sans doute beaucoup joué. L’argument mérite donc d’être utilisé avec précaution. L’idée selon laquelle l’Eglise protestante traversait une crise est ancienne. Ph. Benedict cite, par exemple, J. Locke, visitant certaines communautés réformées. Dans ses notes prises lors de son voyage dans le sud de la France en février 1676, ce dernier évoque déjà une crise. 119 Celui-ci signale que les effectifs n'évoluent pas beaucoup et les pasteurs qu'il rencontre lui confient que les réformés ne sont pas meilleurs que les « papistes » :

‘« there was little piety or religion among their people and that the lives of the Reformed was no better than that of the Papists. » 120

Enfin, même certains pasteurs, Claude par exemple, rappellent peu avant 1685 :

‘« Je ne sais ce qui arrivera de notre troupeau, je ne remarque que peu de zèle, beaucoup de mondanité et un attachement inviolable au temporel » 121

Nous tenterons donc d’apprécier la réalité et l’ampleur de cette crise religieuse chez les réformés entre 1629 et 1685.

Notes
117.

P. Joutard, 1685, « Une fin et une nouvelle chance pour le protestantisme français » , Le Refuge huguenot, M. Magdeleine et R. Von Thadden, A. Colin, Paris, 1985, p. 25-37.

118.

S. Mours, Le protestantisme en Vivarais et en Velay, Montpellier, 2001, rappelle p. 266 que les lieux concernés par les assemblées du 18 juillet 1683 sont : Le Chambon, Saint-Voy, Silhac, Saint Genest-Lachamp, Saint Jean-Chambre, Saint Michel de Chabrillanoux, Toulaud, Saint Laurent-du-Pape, Saint Etienne-de-Serres, Tournon-lès-Privas, Issamoulenc, Saint Vincent-de-Durfort, Gilhoc, Châteauneuf-de-Vernoux, Retourtour, Alissas et Rochessauve. Ces lieux d’assemblées sont principalement situés dans les Boutières, en revanche les villes périphériques comme Annonay et Villeneuve-de-Berg ne sont pas concernées. Toutefois des troupes vont résider dans les trois villes étudiées entre 1683 et 1685.

119.

Cité par Ph. Benedict, The huguenot population of France, 1600-1685, the demographic fate and customs of a religious minority, transactions of the american philosophical society, Philadelphia, 1991, p. 12.

120.

Ph. Benedict, ouvrage cité, p. 13.

121.

Cité par Ph. Joutard dans Le Refuge huguenot, M. Magdeleine et R. Von Thadden, A. Colin, Paris 1985, p. 25-37.