1. La crise dans la piété et la pratique des réformés ?

L’analyse de la crise par les pasteurs et les anciens est extrêmement sévère. Ils sont convaincus que les fidèles ont une foi défaillante et des mœurs corrompues. Les analyses postérieures se sont-elles appuyées sur les comptes-rendus des synodes réformés, principale source, pour affirmer un déclin de la foi chez les réformés ? C’est la thèse de P. Chaunu qui défend également l’idée d’une Révocation source de renouveau dans un contexte de déclin spirituel.

La lecture des actes des synodes donne, en effet, l’impression d’une aggravation régulière de la situation. En 1670, au synode d’Annonay, les anciens et les pasteurs déclarent ensemble :

‘« Ayant considéré comme Dieu nous frappe de ses verges depuis quelques années par inondations extraordinaires qui ont gâté les fruits et emporté les fonds en plusieurs lieux de cette province…que ce sont nos péchés qui ont attiré ces châtiments, la compagnie a ordonné que l'on célébrerait un jeûne général dans toutes les Eglises de la province » 122 .’

En 1675, lors du synode de Desaignes, les déclarations se font encore plus inquiétantes :

« La compagnie estimant l'extrême corruption qui règne dans le monde et qui serait en particulier dans les églises de cette province sans que ni les marques visibles de la colère de Dieu ni les soins des précédents synodes aient fait l'impression dans les esprits qu'on devait raisonnablement attendre, appréhendant que la justice de Dieu ne se porte à faire enfin les plus redoutables coups, a résolu un dernier effort et de contribuer de tout ce qu'elle peut de sa part pour établir une bonne et sainte réforme dans les mœurs et parce que les remontrances générales ne touchent pas assez vivement nos cœurs elle a jugé à propos d'adresser à chacun des exhortations. » 123

Enfin le synode de Vallon, en 1681, décrit une crise à son paroxysme :

« Comme il n'y a que Dieu qui puisse arrêter le cours de nos maux en fléchissant le cœur de notre roi à quelque compassion envers nos pauvres Eglises, les députés qui composent cette compagnie, les larmes aux yeux et dans la dernière consternation, après avoir donné gloire au Dieu tout-puissant, qui nous a si fort et si durement châtiés, et reconnu que ce sont nos péchés, nos crimes et nos rébellions qui ont armé sa main… » 124

L’impression que donnent ces extraits est celle d’une détérioration constante de la situation. Cette analyse correspond-elle à la pratique des fidèles ? La concomitance avec l’aggravation de la politique royale de persécution à l’égard des protestants permet de supposer que les anciens et pasteurs ont cherché une explication à la persécution qu’ils attribuent à une punition divine et non à traduire la réalité. En effet, l’écart entre le discours des pasteurs et des Anciens et la vie quotidienne des fidèles paraît souvent assez important.

Notes
122.

Synode réformé d’Annonay, 1670, Rapporté par S. Mours, « la vie synodale en Vivarais », B.S.H.P.F., Paris, 1946, p. 55-103.

123.

Synode de Desaignes, 1675, A.N., TT 243.

124.

Synode de Vallon, 1681, Rapporté par S. Mours, « la vie synodale en Vivarais », B.S.H.P.F., 1946, p. 55-103.