c) Les visites pastorales : un signe de la mise en place de la Réforme catholique ?

Les visites pastorales permettent de dresser un état des églises et des fidèles. Malheureusement la seule visite pastorale du XVIIe siècle dont une trace a été conservée, ne concerne aucune des trois villes étudiées, mais elle montre des régions du Bas-Vivarais, à la fois urbaines et rurales proches de celles qui sont analysées ici. Nous avons tenté, à partir des informations fournies par l’official Monge et classées par Mme J. Roux 192 , de construire un tableau synthétique. Les observations faites par Monge ont été regroupées en quelques rubriques afin de pouvoir être comparées. La simplification a des vertus mais elle a aussi des inconvénients, il est parfois difficile de classer certaines descriptions dans l’une ou l’autre des rubriques.

Pour l’instant, seuls les points montrant une mise en place de la Réforme catholique seront retenus. Le point le plus important paraît être la densité des confréries puisque 78 % des paroisses en sont dotées. Certes, toutes ne sont pas des confréries de la Réforme catholique, certaines sont plus anciennes, mais une large majorité (66 % ) sont des confréries du Saint Sacrement ou du Rosaire dont le lien avec la Réforme catholique est avéré. Ces confréries sont de créations récentes : à Saint Prix de Comps elle ne dispose pas encore d’ornements. Ailleurs, elles sont en fonctionnement car elles disposent de dais et de bannières et ont un jour fixé chaque mois pour leurs exercices. Les autres confréries sont constituées de pénitents et de confréries plus anciennes, parfois professionnelles, ainsi celle de Saint Crépin à Largentière. Dans 16 % des cas, les confréries anciennes côtoient souvent, dans la même paroisse, des confréries plus récentes. Il y a donc déjà ici un signe de l’encadrement des fidèles. Par ailleurs, le culte du Saint Sacrement, signe de l’implantation de la Réforme catholique, est assuré de manière correcte dans plus de la moitié des églises. Seules 17 % des paroisses présentent des tabernacles en mauvais état, un luminaire dépourvu d’huile faute d’argent ou d’entente entre la communauté, le curé et le décimateur. D’autre part, la question des ornements liturgiques, qui dans l’Eglise de la Réforme catholique est un point sensible, paraît réglée dans un large tiers des paroisses. Le tiers des églises pour lesquelles la visite pastorale ne fournit pas d’informations ne sont peut-être pas exemptes de reproches, mais il est impossible de le savoir. Enfin, les sanctions sont peu nombreuses : l’interdiction de célébrer ne concerne qu’un cas sur quarante-sept. Les recommandations faites par l’official aux curés et paroissiens 193 montrent, il est vrai, que les exigences ne sont pas encore atteintes, toutefois un tiers seulement des paroisses sont concernées et les observations portent sur des points de détail. Les ornements liturgiques sont parfois usés ou en nombre insuffisant, c’est ce qui justifie une remarque de l’official. Le mobilier exigé est en général présent dans l’église mais certaines modifications sont parfois à apporter : par exemple le rajout d’un deuxième confessionnal ou la fermeture des fonts baptismaux. Enfin, les ciboires et calices ne sont pas toujours dorés. Au total des remarques qui révèlent plus les difficultés financières des communautés plutôt que leur refus de suivre les injonctions tridentines. Des contraintes financières, l’enjeu important autour de la détention d’un bénéfice, pèsent peut-être sur le visiteur apostolique et l’empêchent de prendre des sanctions plus lourdes. Certes dans trois critères sur cinq le niveau atteint n’est que moyen 194 et l’on pourrait en conclure à une situation largement insuffisante mais il faut comparer cette description à la précédente visite pastorale encore conservée, effectuée par le vicaire général Nicolas de Vesc en 1583. Il est vrai que cet état de 1583 concerne plutôt la partie centrale du Vivarais et beaucoup moins la partie sud. A la fin du XVIe siècle on compte 69 églises en ruine ou rasées sur les 87 visitées, soit 79,3 % et les offices ne sont parfois plus assurés. Ainsi à Privas il n’y a plus de messe depuis vingt ans.

La reconstruction des églises paraît donc active, certes les catholiques privadois devront attendre 1686 pour voir l’achèvement de leur édifice de culte. Les espaces sacrés sont de en plus aménagés en conformité avec les exigences de la Réforme catholique, la répartition des mariages respecte souvent les « temps clos », l’encadrement assuré par les confréries et le clergé se renforce, enfin les élites paraissent impliquées dans le changement spirituel. Cette accumulation de signes permet donc de dresser un premier bilan positif de la mise en place de la Réforme catholique. Mais d’autres signes viennent nuancer cette première impression.

Notes
192.

Mlle J. Roux, Le diocèse de Viviers de 1583 à 1690, D.E.S., 1966, annexes, p. 1 à 15.

193.

Voir tableau 19 : tableau de synthèse établi à partir de la visite pastorale des églises paroissiales du Bas-Vivarais en 1675-1676 par l’official Monge, rubrique 7.

194.

Voir tableau 19 : tableau de synthèse établi à partir de la visite pastorale des églises paroissiales du Bas-Vivarais en 1675-1676 par l’official Monge.