c) La perception des réformés vivarois par les autorités.

Les différents arrêts royaux de la politique anti-protestante ne sont pas étudiées ici car ils ne sont pas spécifiques au Vivarais. D’autres auteurs ont conduit cette analyse avec beaucoup de précision. 300 En revanche, l’image que l’intendant de Languedoc, d’Aguesseau, donne des Réformés est intéressante, car elle est susceptible de favoriser une dégradation des relations. Dans le Mémoire raisonné concernant le Vivarais, il assimile les réformés avec des criminels :

‘« Il y a longtemps qu'on doit être persuadé par la quantité de meurtres et de crimes qui se commettent en Vivarais de la nécessité d'y apporter un remède efficace pour y rétablir l'autorité de la justice… Mais les religionnaires du Vivarais gens pour la plupart brutaux et misérables parlent plus hardiment ainsi les uns et les autres conviennent en sentiment… Leur insolence ne fait qu'augmenter tous les jours. J'estime qu'il est d'une absolue nécessité soit pour le bien de la justice soit pour prévenir les désordres auxquels le prétexte de la Religion pourrait donner lieu d'y envoyer des troupes pour contenir les peuples. » 301

Une telle déclaration qui s’appuie très certainement sur les événements récents, le mouvement de résistance de 1683 en réaction aux destructions des temples, est en contradiction avec tout ce que l’on sait par ailleurs sur les protestants vivarois. Les déclarations de soumission à l'autorité royale sont réitérées à chaque synode protestant. Les réformés privadois, par exemple, signent une lettre au roi, véritable engagement de fidélité et d’obéissance, au début de la Fronde :

‘« Jean Crespin notaire royal, David Sibleyras, Pierre Bernard, Jean Faysan, Paul Motoy, Abraham Dupuy, Pierre Faye, Alexandre Lafeuille, Pierre et Louis Feschets frères, Pierre et Antoine-Pierre Sibleyras père et fils, Simon Charrensol, Pierre Serre, Mathieu Crapone, Jean Freydier, Alphone Bouveyron, Jacques Faure, Pierre Vincent, Louys Faure, Jean Riou, Jean Reynier, anciens et principaux habitants de l'Eglise réformée de Tournon-lès-Privas faisant profession de la Religion Réformée que nous promettons… de vouloir persévérer en la fidélité obéissance et respect que nous devons à S.M…Fait à Tournon (=Tournon-lès-Privas à côté de Privas) en consistoire le jour que dessus (25 février 1649). » 302

La même information est donnée par Chomel le béat, pourtant peu susceptible de complaisances, à propos des réformés d’Annonay :

‘« Il est vrai qu'il faut rendre cette justice aux habitants protestants d'Annonay, que depuis les excès que commirent leurs aïeux dans les premières guerres civiles ils ne sont jamais tombés depuis dans aucune faute contre l'autorité royale qu'ils ne trompèrent en aucune manière dans la rébellion de la Rochelle. » 303

C’est d’ailleurs une caractéristique qui rassemble catholiques et réformés au XVIIe siècle en Vivarais, cette profonde fidélité au roi. Les réformés ne sont pas des démocrates comme l’historiographie a parfois voulu l’affirmer au XIXesiècle. Même si le fonctionnement des consistoires ou des synodes peut présenter des aspects démocratiques, leurs idées politiques sont profondément marquées par la monarchie absolue. Les modèles républicains qui ont été expérimentés en Angleterre ou dans les Provinces-Unies ne paraissent guère les intéresser avant 1685.

Notes
300.

S. Mours, en donne une analyse précise dans Le Protestantisme en Vivarais et en Velay, des origines à nos jours, ouvrage cité, p. 230 et suivantes.

301.

AN TT 276 B, D'Aguessau, Mémoire raisonné concernant le Vivarais, Montpellier,1683, p. 61-74.

302.

A.N. TT 272, fol. 117-118, cité par E. Reynier, Histoire de Privas, tome II, volume 1, ouvrage cité, p. 105-106.

303.

ADA 1 MI 150, Chomel le Béat, Annales de la ville d'Annonay, ouvrage cité, p. 437.