c. Les espaces « sacrés » :

La question des limites chronologiques se repose ici. Les temples réformés disparaissent après 1685. Les nouvelles formes de culte suscitent l’apparition de nouveaux espaces sacrés, mais dont on sait bien peu de choses. Parfois, des témoignages rappellent comment les espaces sacrés, dans la communauté protestante, sont réorganisés dans une grange à l’occasion de périodes d’accalmie dans la persécution. 403 Cet état de fait pourrait donc inciter à arrêter cette étude à la Révocation. Toutefois, en ce qui concerne les catholiques, cette date ne marque pas une rupture. Par ailleurs, la destruction des temples ne signifie pas la disparition de tous les espaces sacrés réformés. C’est la raison pour laquelle, comme pour les parties précédentes, les limites retenues ici sont 1630 et 1750. M. H. Froeschlé-Chopard a souligné l’intérêt qu’il y avait à analyser les « espaces sacrés » 404 . La définition retenue est large. Il ne s’agit pas uniquement des intérieurs d’église ou de temples mais de toute marque religieuse dans le paysage. Les sources disponibles sont malheureusement peu nombreuses. Certaines, déjà citées, correspondent aux ordonnances synodales ou épiscopales. Elles datent de la fin XVIIeou courant XVIIIe siècle. Les visites pastorales sont assez rares. Deux datent de la fin XVIesiècle (1583 et 1599), une troisième concerne la fin du XVIIe siècle (1675-1676), enfin une dernière présente les paroisses du diocèse de Viviers en 1713 405 . Par ailleurs, ces visites pastorales ne concernent pas tout le diocèse de Viviers. Quelques travaux archéologiques viennent les compléter concernant le cimetière de Privas.

Le terme « espace sacré » est-il bien adapté pour désigner les lieux marqués par une pratique religieuse ? L’appellation se justifie pleinement pour les catholiques car les objets du culte disposent, aux yeux des fidèles d’une valeur surnaturelle : on embrasse la statut du saint guérisseur, on se signe devant la croix au carrefour et la croyance en la présence réelle donne à l’église un caractère sacré matérialisé par la lampe à huile qui doit brûler nuit et jour. Très fréquemment, la mise en service d’un lieu de culte nécessite l’intervention de l’évêque pour dispenser la bénédiction. Parfois, enfin, une relique est conservée précieusement dans l’église ou dans les chapelles : morceau du bois de la croix, ossement du saint patron autant d’éléments qui détiennent une valeur intrinsèque. Qu’en est-il en revanche pour les réformés ? En effet, la parole et la lecture de la Bible tiennent les places essentielles dans la liturgie réformée. Aussi, le lieu apparaît peu important. Les communautés privées de temple par la persécution ou l’éloignement utilisent d’autres lieux : la maison d’un particulier, une grange ou l’abri d’un arbre comme à Privas dans les années 1640. Le terme d’espace sacré est donc contraire à la théologie réformée. Dans les faits, toutefois, le terme paraît se justifier mais avec des nuances que nous allons tenter d’expliquer.

Notes
403.

A. Charrier, Livre de raison, 1730, cité par M. Tallon, Histoire civile, politique et religieuse d’une ville du Languedoc : les Vans, Volume 2, Privas, 1884, p. 65.

404.

M.-H. Froeschlé-Chopard, Espace et sacré en Provence – Cultes, Images, Confréries, XVI e – XX e siècle, Cerf, 1994.

405.

M. André, « Visite des paroisses de l’officialité d’Aubenas », Revue du Vivarais, 1974, n°640, p. 188,

Mazon, « Visite pastorale de 1675-76 », Bulletin d’Histoire ecclésiastique et d’archéologie religieuse, 1884, pp. 220-227.

Archives diocésaines, visite pastorale de 1599, manuscrit non coté et ADA G 79, visites pastorales de l’évêque de Valence faite le 22/9/1703.