3. L’exemple d’Annonay.

L’exemple d’Annonay, à ce propos, permet de confirmer les grandes lignes d’évolution ainsi que ses limites. Chomel le béat rappelle qu'en 1534 des confréries anciennes (de type médiéval) existaient à Annonay : celles du Saint Esprit et de la Sainte Trinité. Elles distribuaient du pain pour les fêtes de Pentecôte et soulageaient les pauvres de la paroisse. La confrérie du Saint Esprit s'appelle ainsi car ses trois jours de fête avaient lieu à Pentecôte. Cette confrérie aurait cessé d'exister au XVIIe siècle et ses biens auraient sans doute été rattachés à ceux de l'hôpital général. Ceci semble donc confirmer l’évolution générale constatée dans l’ensemble du Vivarais par M. Venard. Toutefois, la limite apparaît également. En 1683, les revenus de la confrérie ne sont pas encore attribués à l'Hôpital. Les consuls distribuent le pain aux pauvres avec l'argent de la confrérie. Mais rien n’est dit par Chomel le béat à propos des fêtes célébrées par les confrères. Ont-elles été maintenues ?

Lors des premières recherches entreprises pour ce travail, une évidence s’est imposée. Chaque confession accordait une grande place à la condamnation de la fête. Les réformés ont encore plus de constance que les catholiques. Après 1734, nous ne disposons plus d’information à propos du comportement des catholiques face à la fête. S’agit-il d’une lacune documentaire ou d’un changement de comportement ? En revanche, pour les réformés, les mêmes attitudes se poursuivent jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Le parallèle est étonnant avec les constats effectués à propos des espaces sacrés. On constate la même volonté dans les deux confessions de réprimer toute manifestation de la culture populaire, mais avec des succès limités.

Le bilan de cette comparaison portant sur les modes de vie et la religion populaire est nettement en faveur des ressemblances. Le comportement face à la fête, l’attitude face à la mort et les modes de vie rapprochent plus qu’ils ne séparent les membres des deux communautés. Certes des différences existent. Les invocations dans les testaments permettent, par exemple, de distinguer les deux communautés. Mais les différences sont plus réduites que ce que l’historiographie nous avait appris. Une réserve s’impose toutefois. Cette étude porte sur un cadre urbain, marqué davantage par les efforts de reconquête catholique et les modes venues de l’extérieur. Les campagnes ont sans doute été davantage marquées par une civilisation réformée. D’autre part, des évolutions sont sensibles. Les phases de répression ont parfois comme conséquence un rapprochement des comportements, alors que les différences peuvent à nouveau s’épanouir dans les périodes d’apaisement, c’est ce que l’observation des intervalles entre la naissance et le baptême nous a appris. La situation inverse est également possible. La persécution exacerbe alors la volonté identitaire. Les choix de prénoms, la manière de s’alimenter sont, dans ce cas, autant de moyens pour les réformés de s’affirmer.

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