L’évolution commune dans les modes de vie, facteur d’effacement des divisions confessionnelles, se traduit avec la même recherche du luxe dans l’habitation. Les témoins de l’époque l’ont ressenti. Chomel le béat souligne l’évolution dans la construction et l’embellissement des maisons des notables annonéens : entre 1750 et 1770, plusieurs notables font décorer leurs maisons ou en achètent de nouvelles :
« Toutes les personnes intelligentes pensent qu'il s'est plus édifié de maisons nouvelles à la ville et à la campagne et agrandi de maisons anciennes dans l'espace des 40 ans derniers que cent ans auparavant » 637
Les achats de châteaux permettent aux nouveaux propriétaires de se donner des allures de nobles. L’utilisation de la particule devient très fréquente chez les notables de chaque confession. L’enrichissement que révèle le mobilier est important mais inégal. La bourgeoisie annonéenne semble atteindre un luxe plus important qu’ailleurs 638 . Le nombre de pièces 639 , l’ornementation, la spécialisation toujours plus poussée de chaque pièce le montrent. Les livres révèlent des préoccupations philosophiques et religieuses, ainsi que les bustes de Mirabeau, Voltaire et Rousseau ornant le salon des Johannot. Cette famille de marchands papetiers d’Annonay, conserve une culture protestante marquée également par les nouvelles idées des philosophes. Pourtant Johannot n’adhère à aucune des deux loges. Il conserve également une collection du Mercure de France. Le souci d’ornement l’emporte de plus en plus. La pièce principale, salon, ou grande salle, est ornée de tapisseries, souvent à thème mythologique. Delacou, marchand banquier, originaire de Lyon et « nouveau converti », possède tout de même des tableaux religieux représentant La Vierge et Saint Antoine ; des tableaux qui ont peut-être plus de valeur esthétique que religieuse. La séparation est plus géographique et sociale que confessionnelle car les maisons des notables de Privas et Villeneuve-de-Berg ne présentent pas le même luxe que celles d’Annonay. L’enrichissement est important par rapport au début du siècle. La volonté de luxe et de confort est partagée par les notables des deux confessions. Le contraste est d’autant plus fort qu’une partie de la population s’appauvrit, notamment chez les catholiques. Chomel le béat estime à 600 personnes le nombre de pauvres, soit 12 % de la population annonéenne.
ADA 1 MI 150, Chomel le béat, Annales de la ville d'Annonay, ouvrage cité, p. 847. Le même auteur donne une liste de notables dont les maisons marquent la population annonéenne par leur richesse et leur luxe : ce sont des catholiques : Fourel et Chabert, officiers au bailliage, place Grenette, Girodon, avocat, et Barou de la Lombardière domicilié rue des Forges, et des marchands réformés : Johannot, Bourguet, De Gaches, Paret, Gacou, et un banquier protestant, Barthélémy Alléon qui achète le domaine de la Grangette.
Chomel le béat, Annales de la ville d’Annonay, ouvrage cité, est souvent impressionné par la fortune (est-ce pour la condamner car elle lui paraît contraire aux idéaux évangéliques ?). Il cite par exemple le cas de B. Fournat, réformé, son beau-frère, qui « a acquis tous les biens de M. de Mayol au prix de 13 millions » (1730 - p. 567). La volonté d'acheter des biens nobles pour imiter l'aristocratie, et les manifestations d'une richesse croissante des marchands d'Annonay apparaissent de plus en plus. P. 648 le 29/10/1757 à la mort de la femme de Barthélémy Fournat, Magdeleine Chomel, catholique, Fournat est devenu seigneur et baron d'Ay et Brézenaud.
Voir tableaux d’inventaires après décès dans l’annexe 8.