b. La déconfessionnalisation touche-t-elle également les deux communautés ?

L’historiographie 644 a souvent insisté sur ce point : dans les régions touchées par l’affrontement religieux protestants-catholiques à la fin du XVIIe siècle, on constate fréquemment que les fidèles relativisent l’importance de la religion, et évoluent vers une certaine indifférence religieuse ou vers le déisme. D’autre part, la contre-Réforme, en imposant une religion de plus en plus rationnelle et en combattant toutes les manifestations de la religion populaire, a parfois renforcé l’indifférence des fidèles face à une religion jugée trop lointaine. Or la lutte contre les pratiques jugées superstitieuses, manifestations majeures de la religion populaire, a été poursuivie par le clergé tout au long du XVIIIe siècle en Vivarais. Dans le même temps, l’attention a été attirée par les recherches concernant les religions de montagne. Les Cévennes vivaroises, dont Privas est une des portes d’entrée, correspondent-elles au modèle, décrit par V. Sottocasa 645 , du Rouergue et des Cévennes catholiques, régions marquées par un attachement religieux très fort  même à la fin du XVIIIe siècle ? De laquelle de ces deux hypothèses, le Vivarais, frontière confessionnelle, est-il une illustration ? Enfin, dans quelle mesure les réformés sont-ils concernés par ce questionnement ? Les conversions ont-elles favorisé la mise en place d’une certaine indifférence religieuse comme l’exemple du notaire Louis Chomel, père de Chomel le béat, nous l’a montré ? Mais une autre approche est possible, la déconfessionnalisation n’est-elle pas plutôt chez les réformés une « transformation des idées et du sentiment religieux qui les amène à participer pleinement à la société des Lumières ? » 646 . Quelle est donc la position des réformés : indifférence religieuse ou adaptation aux idées nouvelles sans renier leur religion ? Dans ce chapitre nous réutiliserons la définition de la confessionnalisation présentée en introduction 647  afin de mesurer quels changements s’opèrent. Nous retiendrons comme composantes de ce concept  : la perte d’identité confessionnelle et diminution de la cohésion du groupe, (à partir des oppositions entre membres de cette communauté), le respect des instructions de l’encadrement, l’importance du sentiment religieux (au travers des testaments, de témoignages ou d’adhésion aux confréries), enfin, la constitution d’un environnement instable facteur déconfessionnalisation (par exemple quartiers d’habitation mixtes). Nous tenterons ensuite d’avancer quelques explications des évolutions constatées puis nous nous attacherons à analyser la situation de chaque ville.

Notes
644.

J.-M. Le Gall et I. Brian, La vie religieuse en France, XVI e - XVIII e siècles, Campus, SEDES, Paris, 1999. et Ph Loupès, La vie religieuse en France au XVIII e siècle, Paris, SEDES, 1993.

645.

V. Sottocasa, Mémoires affrontées… , ouvrage cité, p. 59-84, et N. Lemaître, « Y-a-t-il une spécificité de la religion des montagnes ? », La Montagne à l’époque moderne, Actes du colloque de Paris, 1998, p. 135-158.

646.

Y. Krumenacker, Des protestants au siècle des Lumières, le modèle lyonnais, ouvrage cité, p. 302.

647.

Voir page 7.