Nous avons déjà souligné le rôle des notables dans les confréries, notamment annonéennes. En ce qui concerne les réformés, le fort noyau de notables va cimenter la communauté. D’une part, en raison du rôle qu’ils tiennent au sein de la communauté. Les notables occupent les fonctions d’anciens au consistoire avant la Révocation. Après 1685, leur rôle spirituel nous est mal connu mais leur richesse leur donne beaucoup d’influence. Ils sont ainsi associés, à nouveau, à la gestion de la ville très rapidement après la Révocation. D’autre part, parce qu’ils apparaissent comme des modèles. En 1774, lorsque la communauté se reconstruit, leur rôle se renforce. Ils sont nombreux à présenter leurs enfants à la communion 697 . Le pourcentage des enfants de notables est largement supérieur à celui observé dans l’ensemble de la population 698 . La liste dressée en 1773 des jeunes gens admis à la communion montre que l’enseignement du pasteur est à nouveau très présent dans l’Eglise réformée d’Annonay. La communion est faite entre 15 et 20 ans. Elle est l'occasion d'un enseignement religieux. Le pasteur décerne des appréciations. Certaines sont mauvaises. Ainsi, Jean-Pierre Calon : « il fut reçu plutôt en faveur de ses bonnes dispositions et du bon témoignage qu'on lui rendit qu'en faveur de ses lumières et sous la condition qu'il continuerait de s'instruire à Nîmes, où il se rendit ». Mais dans l’ensemble, ce sont les bonnes appréciations qui l’emportent, ainsi pour Louise Riou « elle me paraît une des mieux instruites ». D’autant plus que la préparation à la communion dure plusieurs mois, de Pâques à Noël, dans le cas de la communion en décembre. Certains prennent des cours particuliers : « Il prit des instructions particulières pendant 4 mois » d'autres suivent les cours du pasteur : « Ayant fréquenté les instructions données aux catéchumènes admis avec beaucoup d'assiduité ». A l’issue de la formation, en 1774, les catéchumènes sont admis lors d'une assemblée : « ces douze catéchumènes furent admis publiquement à la communion, dans une assemblée solennelle de toute l'Eglise au lieu-dit Auvergnat, après un examen exact qui leur fut fait en particuliter sur toutes les vérités et les devoirs de la Religion chrétienne Réformée et sur les points controversés avec l'Eglise de Rome ». Enfin le pasteur est assisté par un diacre et un sous-diacre. Il existe un sous-diacre par quartier. La faiblesse de l’encadrement, qui était à l’origine de la déconfessionnalisation entre 1685 et 1720, paraît avoir disparu. Enfin, une comparaison a été faite entre le nombre de baptêmes et le nombre de communiants afin d’apprécier quel pourcentage était concerné par les deux cérémonies. L’application des taux de mortalité à la cohorte de baptisés réformés d’Annonay permet de retrouver les chiffres des communiants. Au total, c’est donc bien toute une génération qui est admise à la communion. De tels constats ne permettent pas d’évoquer une quelconque déconfessionnalisation, tout au moins pour Annonay. Avec une limite toutefois l’analyse des effectifs des communiants entre 1773 et 1789 montre une réduction 699 . Le nombre de communiants dans les années 1770 a pu être particulièrement élevé compte-tenu du retour d’un pasteur, et du retour à une Eglise presque officielle. En tout cas, si la déconfessionnalisation se manifeste elle est très tardive.
La même impression se dégage des lettres d’une notable catholique annonéenne, Adélaïde de Montgolfier. Dans sa correspondance avec l’avocat Boissy d’Anglas elle rappelle l’importance du carême :
« Dans ce saint tems de carême je n’ai eu garde de vous soupçonner d’un surcroît de dissipation, je croyais cette saison très favorable aux lettres car c’est dans le recueillement de la méditation que l’on pense à ses amis… » 700
Cette attitude confirme donc l’information donnée par l’analyse des confréries. Certains notables catholiques semblent encore marqués par un important sentiment religieux.
Les deux communautés présentent donc un point commun, notamment dans le cas d’Annonay, l’attachement des notables à la religion paraît contribuer à ralentir la déconfessionnalisation. De même qu’au XVIIe siècle, ils représentaient un facteur de cohésion notamment face aux persécutions, au XVIIIe siècle leur rôle se maintient. Nous avons vu apparaître les notables réformés lors des premières communions et les notables catholiques manifestent leur attachement aux confréries 701 . Avec une nuance toutefois, le pourcentage des notables réformés est important parmi les communiants 702 , mais il est inférieur à celui de l’ensemble de la population protestante d’Annonay. De même une certaine désaffection semble se manifester parmi les notables catholiques dans les années qui précèdent la Révolution.
Voir tableau 56.
ADA 5 E 41, pasteur Chiron, Liste des jeunes gens admis à la communion, registre des actes pastoraux,18/12/1773. Mais l’origine sociale de 116 communiants sur 149 n’est pas connue.
Voir graphique 38.
ADA 1 J 684, lettre 31, 2 avril 1787.
Voir tableau 50.
Voir tableau 56.