Introduction

D’années en années, la recherche sur la Démence Sénile de Type Alzheimer (D.S.T.A.) 1 progresse et se diversifie.

Néanmoins, l’étude de la communication non verbale avec les patients concernés n’en est qu’aux commencements alors qu’elle comporte un intérêt relationnel majeur car les malades perdent progressivement leur capacité à manier l’outil langagier et sombrent dans une apparente incohérence déstabilisante. Comme L. Ploton le souligne, il y a chez elles privation des fonctions cathartiques permises par la parole : elles se trouvent dans l’incapacité d’exprimer verbalement leurs affects et privées dès lors de cet exutoire.

L’approche clinique permet pourtant de constater le maintien manifeste de leur expressivité émotionnelle, en dépit de leurs déficits cognitifs.

De nombreux auteurs ont mentionné les éclairs de lucidité de ces malades, tel des flashs, qui nous renvoient une vérité lourde et douloureuse sur leur souffrance et leur isolement psychique. Mais encore trop peu de recherches se sont penchées sur l’analyse de la détresse, permanente et angoissante, que nous lisons sur leurs visages la plupart du temps. Et une question reste entière : dans ce domaine, sur quels critères nous basons-nous communément pour évaluer leur état affectif ?

Une échelle comportementale, la « Philadelphia Geriatric Center Affect Rating », a été mise au point par Lawton en 1994. Elle permet d’évaluer les affects des personnes âgées souffrant de démence sévère, dans la mesure où celles-ci, du fait de leurs troubles du jugement, de la compréhension et de la communication, ne sont plus en mesure de communiquer leurs émotions par l’intermédiaire du message verbal.

Cette échelle a comme finalité de préciser l’état émotionnel global de la personne âgée démente à partir d’indicateurs affectifs observables : l’expression du visage, les mouvements du corps et les interactions observées. Le système de codage a été emprunté aux classifications d’Ekman et Friesen.

Les personnes âgées démentes sont mises dans diverses situations, favorisant les éprouvés de plaisir, d’inquiétude, de dépression, d’intérêt et/ou de contentement. Les thérapeutes mesurent alors le pourcentage d’observation d’affects observés.

Cette échelle s’avère intéressante pour notre étude, car elle s’appuie sur les ressentis observables par des intervenants extérieurs, lors de mises en situations favorisant l’expressivité émotionnelle.

Cependant, la classification proposée par Ekman et Friesen nous semble incomplète pour traduire les émotions spécifiques des personnes démentes.

Notes
1.

Nous parlerons de DSTA au fil de notre travail, mais nous précisons néanmoins que la tendance actuelle serait davantage de parler en terme de Maladie d’Alzheimer ou de troubles apparentés, le terme de Démence étant à juste titre contesté par les malades et leurs familles, perçu comme repoussant et effrayant.