2-1-a- Données générales

« L’émotion n’est pas un accident, c’est un mode d’existence de la conscience, une des façons dont elle comprend (au sens heideggerien de ‘verstehen’) son ‘Etre dans le monde’ » (Sartre, 1934).

Platon considérait les émotions comme perturbatrices de la pensée. De même, Kant les définissait comme des maladies de l’âme.

Nous définirons l’émotion en tant qu’état de tension permettant de se préparer à un type d’action spécifique, débouchant sur un (ou des) comportements donnés. Cet état doit être de courte durée et doit pouvoir s’exprimer de manière explicite.

M. Pagès (1987) 12 décrit le système émotionnel comme :

‘« Un système complexe, liant ensemble un appareil psychique et un appareil expressif, qui possèdent eux-mêmes leur propre complexité interne, affect et image d’un côté, tonus, posture, mimique et geste, manifestations neurovégétatives, de l’autre ».’

Il le considère comme un système de communication archaïque, à mi-chemin entre les conduites de l’ordre du réflexe et celles liées au langage. Le système émotionnel interfère régulièrement avec ces deux types de conduites, sans appartenir à ces catégories pour autant.

Pagès (1986) distingue l’affect, que constitue l’expérience psychique, de l’expression émotive ou comportementale (gestes, mimiques, larmes…).

Concernant la durée d’une émotion, beaucoup d’auteurs pensent que celle-ci ne peut se prolonger que sur quelques heures : de quelques secondes à une heure pour la peur et l’anxiété (réponse d’urgence), de quelques minutes à quelques heures pour la colère (émotion transitoire), d’une heure à un jour pour la joie (émotion de longue durée) et enfin d’un à plusieurs jours pour la tristesse (émotion à caractère relationnel).

En ce qui concerne la tonalité affective globale d’un sujet, nous parlerons alors plutôt d’humeur ou bien plus généralement d’état émotionnel.

Pour J. Corraze (1980), la face constitue cependant la zone corporelle permettant le plus facilement de dissimuler ses émotions. Ekman surnomme cette zone “ le meilleur menteur non verbal ”. Le peu d’attention que nous attachons dans notre culture aux membres inférieurs de notre corps engendre des fuites d’informations involontaires. Les membres supérieurs peuvent être qualifiés de zones intermédiaires de contrôle.

Les indices vocaux (prosodie) et gestuels jouent aussi un rôle important, tout comme le contexte, pour se prononcer sur l’état émotionnel de quelqu’un.

Dans le but de reconnaître des variétés d’émotions en fonction de l’intonation adoptée, Liebermann et Mickaëls (1962) ont effectué une étude particulièrement explicite : en demandant à des sujets de distinguer le type d’émotion ressentie, à l’écoute de phrases standards énoncées de manières différentes, 85% des personnes interrogées ont reconnu l’émotion présentée (joie, colère, tristesse,…). Par ordre de reconnaissance, la colère arrive en tête, puis la tristesse, l’indifférence et enfin le bonheur.

Cette étude nous intéresse particulièrement, car dans le cadre de notre recherche, nous allons faire une expérience relativement similaire à propos des messages visuels des personnes démentes.

L’essentiel des travaux traitant de l’expressivité émotionnelle porte cependant sur l’étude des mimiques faciales. En effet, la gestualité, les postures et la prosodie s’avèrent plus complexes à caractériser et à classifier.

Nous pouvons citer en guise d’illustration le système de codage des actions faciales d’Ekman et Friesen (1978) 13 distinguant 44 expressions faciales, 8 positions de la tête et 6 positions des yeux. C. Yzard (1979) 14 distingue de même un système de codage (seulement à partir des mouvements faciaux) permettant d’élaborer un “ affectogramme ”.

Notes
12.

TOUATI A. et al., (1987), Communications

13.

CONDON W.S. in COSNIER J. et BROSSARD A., (1984), La communication non verbale, p.31

14.

DANTZER R., (1988), Les émotions, pp.20-22