3. Analyse des transmissions écrites :

En lien avec l’analyse des vidéos, les « cahiers de relèves » (où sont consignés lors des réunions de l’équipe soignante les faits marquants et les synthèses pour chaque usager, cahiers qui restent dans le service) ont été analysés. Ces transmissions écrites (suite à une discussion orale) constituent un moment fort pour l’équipe et tout professionnel doit s’y référer.

Bien que l’accent soit continuellement mis sur l’approche holistique de la personne âgée dans le discours des soignants, les écrits de ces cahiers de relèves concernent essentiellement la description somatique et les observations liées au traitement : on « écrit » relativement peu sur le psychisme ou sur le social.

D’autre part, des termes du diagnostic médical et les critères diagnostiques ont tendance à être adoptés sans précision : c’est ainsi que dépressif et déprimé ne semblent pas différenciés. Le maniement des diagnostics est souvent ‘sec’ : délire de persécution, mélancolie, hystérie

Il y a une écrasante majorité de nombreux qualificatifs à connotation négative et représentatifs d’une pulsion de mort : se laisse aller, absente, désinvestie, fermée, affaissée, sidérée, etc.

Le positif, c’est seulement : va bien, bon moral. C’est souvent une litote ou une atténuation de termes négatifs, employé avec des verbes en minorant la portée ou la relativisant, comme semble moins désorientée ou des évolutions rappelant l’état négatif antérieur : meilleur moral, plus vif, plus vivant.

Nous remarquons aussi le recours extensif aux signes de ponctuation, notamment l’usage du point d’exclamation (Se plaint d’être toujours très fatiguée ! ) et du point d’interrogation (on note une euphorie : rires excessifs ?).

Aussi, nous remarquons l’usage ambigu des guillemets (Mme X se « tasse » ; « joue » à la cool mais est stressée ; le week-end « régresse ») et des ‘+’, ‘++’, ‘+++’ (Perdue +++ ce week-end).

Un meilleur consensus sémiologique devrait contenir cette inflation de signes notamment l’échelle des « + » qui pourrait être portée par des adjectifs différents. Le cahier de relève semble révélateur des représentations et du ressenti soignants. Il comporte fréquemment une fonction de décharge pour les soignants et des jugements de valeur sur les comportements des patients.

Une culture de groupe imprègne ces écrits : nous constatons l’apparition de « mots clefs » et de ponctuations ayant valeurs de messages codés et implicites, pour désigner certains comportements ou l’ampleur des troubles observés.

L’analyse des définitions témoigne ainsi d’un relatif consensus sémiologique de l’équipe du SMD, qui tranche par une moindre dispersion dans les réponses, un usage plus professionnel des termes ; la précision et la rigueur montrent qu’il s’agit d’une définition non ‘pour soi’, mais pour la transmission.

Pourtant, cette richesse disparaît dans les cahiers de relève, ce qui tend à valider une culture d’abord orale et qui peine à passer, sans s’appauvrir, à l’écrit. L’exigence désormais de prestations coordonnées et de travail interdisciplinaire, ainsi que le droit des malades (le droit de voir son dossier par exemple), obligeront à améliorer le passage de l’oral à l’écrit.