1.1.2. Le projet dans la recherche urbaine : l’expression d’un modèle d’action en rupture avec la planification

Le projet est devenu une référence dans des secteurs très diversifiés et prend de multiples figures : « projet de société », « projet individuel », « projet de formation », « projet d’entreprise », etc 49 . Avec le « projet urbain », l’urbanisme n’échappe pas à cette tendance : si la notion y est ancienne, elle occupe aujourd’hui une place de premier rang dans les discours sur l’action urbaine en débordant largement son acception traditionnelle attachée à la forme architecturale et urbaine. En revanche, force est de constater qu’aucune définition ne cristallise la notion de projet dans une version stable et univoque. Avec, pour corollaires, une grande confusion dans les débats et une profusion de positions idéologiques, corporatistes et normatives. Partant de ce constat, l’objectif est de retracer comment ce travail aboutit à dégager une problématique qui tend à considérer la planification et le projet comme des modèles d’action urbaine jouant des rôles identiques dans des contextes différents.

Le propos est organisé en deux temps. L’ambiguïté de la notion de projet urbain conduit dans un premier temps à vouloir délimiter avec clarté le type de projet étudié. Nous nous appuierons pour cela sur la catégorisation la plus répandue pour classer les projets urbains. Au demeurant encore modeste, elle présente néanmoins le mérite d’introduire un peu d’ordre autour d’une notion floue en organisant une classification des projets en fonction de leur échelle d’intervention. Si cette catégorisation est couramment retenue, elle n’apporte en revanche aucun éclairage significatif sur ce que recouvre réellement la notion de projet en termes de pratiques et de modes de faire.

La démarche consiste alors à explorer, dans un deuxième temps, ce qui est sous-tendu par la notion en identifiant les catégories de penser et d’agir qui lui sont généralement attachées. Pour ce faire, nous passerons en revue les trois acceptions qu’il est possible de recenser. Cette investigation met en évidence trois points importants. Premièrement, elle montre que, malgré leurs divergences, ces acceptions ont en commun de traiter le projet comme un nouveau modèle d’action pour l’intervention urbaine. Deuxièmement, elle révèle que cette notion est systématiquement opposée au processus classique de planification reposant essentiellement sur la procédure de schéma directeur ; ceci dans le but de l’inscrire dans une perspective évolutive et de la faire participer du mouvement du progrès. Troisièmement, elle fait ressortir que le modèle du projet s’analyse avant tout comme un modèle normatif.

Notes
49.

Voir à cet égard BOUTINET J.-P., Anthropologie du projet, Paris, PUF, 2005, 405 p.