Pour F. Tomas, la notion de projet prend corps dans les années 1970 dans « la contestation d’une architecture moderne et d’un urbanisme fonctionnaliste » 56 ; elle est alors liée aux mouvements dits « urbano-populaires » et leur lutte contre les opérations de « rénovation-bulldozer » et, avec elles, la transformation spatiale et sociale des sites réaménagés. Ce rejet des pratiques de tabula rasa 57 , dominantes dans l’urbanisme d’après-guerre et des Trente Glorieuses, fonde la lignée qui attribut au projet urbain sa dimension relative à l’espace, à la morphologie et aux paysages urbains. Elle est portée par les praticiens, au premier rang desquels les architectes-urbanistes, qui expriment une vision de la ville et de l’action sur l’espace en rupture avec l’urbanisme fonctionnaliste, ses démolitions, ses tours et ses barres, ses conceptions socio-spatiales déterministes, ses pratiques de zonages fonctionnels. C’est également ici que les tentatives de théorisation, essentiellement du fait des professionnels eux-mêmes, sont les plus manifestes 58 .
Le projet urbain désigne alors une approche de la forme urbaine et s’inscrit, en ce sens, dans la perspective classique du projet en urbanisme. Mais deux aspects l’en différencient. Dans la plupart des recherches et des discours, il affiche d’une part une posture qui va à l’encontre du mythe de la scientificité et de l’objectivité des théories urbanistiques fonctionnalistes. Il milite d’autre part, au nom de la reconnaissance de la complexité des relations entre formes sociales et spatiales, pour un modèle d’action qui détrône la figure traditionnellement centrale de l’architecte au profit d’un élargissement du processus d’élaboration vers les habitants et d’autres compétences techniques.
TOMAS F., « Du projet urbain au projet de ville », Annales de la recherche urbaine, Paris, 1995, n°68-69,
p. 140.
Cette domination est pour une part le fruit des circonstances (industrialisation du bâtiment et notamment construction des ZUP sur des espaces encore agricoles) même si elle correspond à des courants d’idées forts.
CLAUDE V. (2000), op. cit.