Une alternative au système « traditionnel » de planification urbaine

Le recours au projet fait aussi référence aux aspects les plus complets de la planification urbaine correspondant à l’activité de se projeter dans l’avenir et d’élaborer des objectifs destinés à orienter les transformations de l’espace urbain. F. Tomas (1995), dans son analyse des conditions d’émergence de la notion de projet urbain souligne en effet que, outre la critique des pratiques de « rénovation-bulldozer » et des conceptions déterministes des relations socio-spatiales, la notion prend également racine dans la crise économique du milieu des années 1970 (choc pétrolier) et ses conséquences sur les SDAU.

Instruments clés de la planification et de l’urbanisation élaborés à la fin des années 1960 dans un contexte de croissance économique, de plein emploi et d’expansion des villes, décidés et pilotés par l’administration d’Etat, ils ambitionnaient de définir, pour la plupart des grandes villes françaises, les orientations de l’aménagement urbain à horizon 2000, leur programme et leur calendrier de réalisation. Avec la période 1975-1985 et l’affirmation de la crise économique, les écarts avec la prévision se multiplient et la plupart des schémas directeurs entrent dans une phase de blocage. Cet échec s’accompagne d’une remise en cause des démarches de planification fondées sur la prévision économique et démographique déclinée en nombre de m² et d’infrastructures à construire.

Simultanément, la période 1975-1985 est marquée, d’abord en 1977 par le succès de la gauche aux élections municipales et par la naissance d’une nouvelle génération d’élus locaux voulant prendre en charge l’avenir de leur territoire dans l’indépendance de l’Etat, puis par les lois de décentralisation de 1981 qui amplifieront ce mouvement « d’autonomisation du local ». C’est dans ce double contexte que l’on assiste, à la fin des années 1980, au renouveau de la planification territoriale et, avec elle, à la naissance des projets urbains dits « de territoire », « de ville » ou encore « d’agglomération » dont l’exemple lyonnais « Lyon 2010, un projet d’agglomération pour une métropole européenne » signe, en France, l’inauguration 59 .

Dans cette acception, le projet urbain veut exprimer une rupture avec le schéma directeur. Comme avec le schéma, il s’agit toujours de penser l’avenir de la ville mais, là où le schéma correspondait à un modèle d’action centralisateur et technocratique, ajusté à une vision prévisible et mécaniste de l’avenir et adossé à un système de production défini comme un système sectoriel, linéaire, hiérarchique et standardisé 60 , le projet urbain est annoncé comme un processus dont le portage est avant tout exercé par les élus locaux (par opposition au pilotage central de la planification des schémas directeurs) qui « veulent avoir leur projet urbain » et le positionner comme la démonstration de leur volonté et capacité d’action.

La démarche de projet urbain accorderait par ailleurs beaucoup plus d’importance à la société civile(habitants mais aussi milieux économiques, représentants associatifs, médias…) que la procédure de schéma directeur : elle deviendrait à la fois l’enjeu de la démarche et la condition de l’efficacité et de la légitimité du projet. Enfin, le projet urbain revendique la mise en œuvre d’une planification dite « stratégique » visant à énoncer une ambition pour la ville porteuse d’identité locale et voulant définir des axes généraux de développement fondés sur la recherche d’une capacité d’adaptation et de réaction face aux turbulences de l’environnement et non plus sur une représentation « définitive », à quinze ou vingt ans, de ce que sera l’agglomération.

Notes
59.

Voir à cet égard BONNEVILLE M., « Le renouvellement du schéma directeur par le projet d’agglomération : réflexions à partir de l’exemple de Lyon », in MOTTE A. (dir), Schéma directeur et projet d’agglomération : l’expérimentation de nouvelles politiques urbaines spatialisées (1981-1993), Aix-en-Provence, ed. Juris-Service, 1995, pp. 47-66.

60.

Voir notamment, GAUDIN J.-P., Les nouvelles politiques urbaines, Paris, PUF, coll. Que sais-je ?, 1997,
127 p. ; COURSON J. de, Le projet de ville, un essai pratique, Paris, Syros, 1993, 175 p.