Le début des années 1990 se caractérise par le retour de questionnements directs de la recherche sur la planification urbaine. Cette période est notamment marquée par la relance dans de nombreuses villes d’une réflexion sur leur avenir et par la mise à l’étude ou en révision des schémas directeurs. L’Etat, de son côté, tente de redéfinir son rôle en renforçant l’exercice de ses propres compétences, en particulier avec l’adoption de la loi sur le développement du territoire et l’élaboration de directives territoriales d’aménagement 98 .
Ce contexte voit également la commande publique s’intéresser à nouveau à la planification urbaine en tant que telle, mais elle ne l’interroge pas directement. Elle propose en effet un questionnement sur les formes d’évolution du gouvernement des villes et sur l’intervention de la puissance publique dans les processus de production urbaine 99 . La commande publique traite ainsi de la planification urbaine soit par le biais de problèmes sectoriels (politique de la ville, environnement…) soit par des questionnements sur les institutions d’agglomération et les rapports entre les différents pouvoirs publics.
La plupart des recherches urbaines insistent par ailleurs sur l’émergence d’approches nouvelles de la planification, plus proche d’un management public urbain. Ce management ambitionne d’installer dans la gestion des villes de nouvelles catégories de penser et d’agir. Il implique de développer des « démarches stratégiques » 100 de planification urbaine, et essaie de faire partager aux acteurs locaux un projet d’avenir commun. Il privilégie par ailleurs des méthodes de décision et de gestion largement empruntées au management des entreprises, et des modes de réalisation associant de façon approfondie et en partie renouvelée des acteurs publics et privés. La planification urbaine consiste dès lors « à augmenter les capacités stratégiques de l’acteur-ville et à les déployer consciemment » 101 .
Cette nouvelle approche de la planification urbaine redistribue en quelque sorte les disciplines sollicitées par la recherche urbaine. L’utilisation des idées et concepts comme les « contrats », les « conventions » ou la « gouvernance » qui sont développés dans plusieurs disciplines, permet des approches conjointes de la science politique, de la sociologie, du droit, de la géographie et de l’économie. Dans cette configuration pluridisciplinaire, l’hégémonie sociologique des années 1970 semble bien lointaine.
En revanche, nous ne pouvons pas considérer que ces nouvelles réflexions témoignent d’un renouvellement problématique et théorique particulier permettant de reconstituer la planification urbaine comme un domainescientifique relativement autonome au sein de la recherche urbaine. La formulation des questionnements rend en effet difficile la mise en œuvre d’une approche transversale et de synthèse, comparable au point de vue utilisé durant les années 1970, pour observer et analyser les acteurs et processus de la transformation urbaine.
Loi n°95-115 du 4 février 1995, dite Loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire. Les projets de directives territoriales d’aménagement (DTA) sont prévues à l’article L. 111-1-1 du code de l’urbanisme.
BOINO P., QUADRIO S., Aspects intéressant la planification urbaine dans les recherches financées par le PIR-villes, Lyon, ENTPE, 1996, 82 p.
PADIOLEAU J.-G., DEMESTEERE R., « Les démarches stratégiques de planification des villes. Origines, exemples et questions », Les Annales de la Recherche Urbaine, « La planification urbaine et ses doubles », n°51, juillet 1991, pp. 7-20.
PADIOLEAU J.-G., DEMESTEERE R. (1991), op. cit., p. 32.