1.2.1.4. La période récente ou les prémices d’une approche transversale et compréhensive de la planification urbaine

L’actualité fait notamment resurgir la planification urbaine en théâtre de développement stratégique et de gouvernance urbaine. La loi Solidarité et renouvellement urbains inscrit en effet la planification urbaine dans un double contexte : l’ajustement des compétences entre les différents niveaux de décision (communes, intercommunalité, départements, régions) et la mise en place de nouvelles autorités d’agglomération. Dans le même temps, les collectivités locales doivent répondre à travers la mise en place des nouveaux Schémas de cohérence territoriale à cette cohérence exigée par la loi SRU, mais aussi mobiliser les acteurs privés et publics locaux, afin de faire émerger et de mettre en œuvre un projet de territoire partagé.

Dans ce contexte, la recherche urbaine s’interroge essentiellement sur le renouvellement des rôles et des modes de faire de la planification.Ce questionnement sur l’évolution de la planification urbaine peut certainement pallier sa déshérence pratique et théorique depuis les années 1980, et lui faire retrouver ses marques.

A cet égard, les recherches lancées à l’heure actuelle 102 font apparaître trois modes de recomposition : le retour progressif à un raisonnement dont l’ambition explicative recourt à une approche transversale et compréhensive de la planification urbaine ; l’hybridation disciplinaire, notamment avec les sciences de l’espace au sens large (géographie, aménagement et études urbaines) et la science politique ; la perspective comparative, notamment entre périodes historiques et contextes nationaux et internationaux différents.

A travers ces trois modes de recomposition, la planification urbaine peut certainement (re)devenir un domaine scientifique majeur dans la recherche urbaine.Mais avant de parvenir à ce stade, il est nécessaire tout d’abord de décloisonner les questionnements de recherche qui décomposent la question centrale sur le sens du renouvellement de la planification urbaine en plusieurs éléments séparant les activités de planification, des stratégies de développement urbain et de gouvernance urbaine. La mise en œuvre d’une approche transversale et compréhensive de la planification urbaine exige ensuite que soit défini un corps propre de théories, de méthodes et de pratiques. Enfin, la structuration d’un domaine scientifique relativement autonome au sein de la recherche urbaine requiert d’inscrire la planification à la croisée de plusieurs disciplines, et notamment des sciences de l’espace et de la science politique.

Afin de ne pas perdre de vue notre objet, nous résumerons schématiquement le récit polyphonique de ces trois décennies marquantes. Notre perspective diachronique nous a permis de saisir la construction du domaine scientifique de la planification urbaine à travers la description des champs disciplinaires et des configurations relationnelles.

La structuration disciplinaire, thématique et institutionnelle des années 1970, autour des enjeux de la planification urbaine, a tout d’abord inscrit la planification comme un domaine scientifique quasiment autonome au sein de la recherche urbaine.Ce dernier a cependant été fortement modélisé par la commande publique et le déplacement systématique de ses objets sur le terrain conflictuel de l’accumulation capitaliste et de la reproduction élargie de la force de travail.

Cette période se distingue ainsi nettement des classements plus éclectiques des décennies suivantes. Les années 1980 se caractérisent non seulement par le déclin inexorable de la planification urbaine et des visions structurales qui l’accompagnent, mais aussi par des réactions « localistes » ou « culturalistes » qui diversifient les objets de recherche. En revanche, ce localisme et cette dissémination paradigmatique (syncrétisme disciplinaire et renouveau du sujet de l’action) qui s’ensuivent ne sont pas étrangers au retour, au seuil des années 1990, d’interrogations plus directes sur la planification urbaine. Elle apparaît dès lors davantage comme un domaine éclectique d’études urbaines.

Plus récemment encore, la recherche urbaine a inscrit la planification sous les traits de plusieurs programmes interdisciplinaires dont les perspectives comparatives introduisent des interrogations plus fondamentales sur le sens de son renouvellement.

Pour autant, nous ne pouvons pas considérer que la planification urbaine est un domaine scientifique autonome au sein de la recherche urbaine. Au terme de notre parcours sémantique et diachronique, seul le renforcement et le développement des trois modes de recomposition relevés précédemment peut la (ré)inscrire comme un domaine autonome.C’est dans cette perspective que se situe l’objet de notre recherche.

Notes
102.

Voir à cet égard le programme de recherche lancé en 2002 par le PUCA et la DATAR : « Planifier aujourd’hui ». Nous pouvons également citer le projet de recherche « Nouveaux dispositifs de planification territoriale et gouvernements urbains » conduit pour le compte de la région Rhône-Alpes par
l’Institut d’Urbanisme de Lyon (2003-2005). Par ailleurs, deux programmes de recherche ont pour objet d’observer l’état et les tendances d’évolution de la planification urbaine dans plusieurs pays européens. L’ouvrage « Plan et projet. L’urbanisme en France et en Italie » publié en 2003 présente les résultats du premier programme de recherche conduit sous la responsabilité de G. Novarina. Ce programme associait des chercheurs des Instituts d’Urbanisme de Grenoble et de Lyon, du Dipartimento di Architettura e Pianificazione du Politecnico di Milano et du Dipartimento Interateneo Scienze del Territorio du Politecnico et de l’Università di Torino. Le programme de recherche « Entre stratégies territoriales et gouvernements urbains : quelle évolution pour la planification urbaine en Europe ? » lancé en 2005 est conduit conjointement par les Instituts d’Urbanisme de Lyon et de Grenoble pour le compte du PUCA et du ministère de l’Equipement. Ce programme met en valeur les tendances d’évolution de la planification urbaine dans cinq pays européens (France, Allemagne, Pays-Bas, Italie, Royaume-Uni).