1.3.1. De la fin des années 1960 au milieu des années 1970 : des approches inscrites dans le contexte d’une croissance urbaine accélérée

1.3.1.1. Eléments de contexte

Le débat scientifique sur la planification urbaine intervient alors que le développement urbain est officiellement marqué par le sceau de l’urgence. Il faut réserver des zones d’urbanisation prioritaire, prévoir des surfaces industrielles, programmer de grands équipements. Devant l’importance de la tâche, l’administration propose des cadres généraux de réflexion prévisionnelle et d’action car les collectivités locales lui paraissent manquer, en la circonstance, à la fois de volontarisme (gestion anticipée et cohérente de l’urbanisation) et de moyens. Leurs services techniques sont en effet peu développés et le nombre important de communes limite leurs capacités à maîtriser globalement la croissance urbaine.

Face à l’urgence de la situation, la nécessité d’organiser le territoire procède par la mise en œuvre de procédures de planification valables pour tout le territoire recherchant l’exhaustivité (en articulant moyen et long terme, limites communales et périmètres d’agglomération) et une cohérence de principe entre objectifs et moyens (échéanciers de financement, prévisions démographiques et économiques). C’est sur ce premier principe que s’attache l’examen critique de la recherche urbaine.

Dans le même temps, cette démarche unifiée et tutélaire de la planification urbaine tente de faire participer les représentants de la population à l’effort de réflexion, car le champ d’action de l’administration s’inscrit clairement dans le jeu des acteurs sociaux. Cette forme d’ouverture sur la société civile est en revanche limitée : elle doit faciliter le consensus dans la vie politique et se référer à « l’intérêt général ». Ces injonctions sont le deuxième point sur lequel vont porter les critiques de la recherche urbaine. Elles dénonceront notamment le caractère largement contradictoire des processus de planification urbaine.

Trois moments clés semblent marquer les débats autour de cette double interrogation.

Le premier consiste dans la publication de deux numéros de la revue Sociologie du travail en 1969 et 1970, intitulés « Politique urbaine ». Ils posent de façon théorique les termes du débat.

Le deuxième moment est la tenue du colloque de Dieppe en 1974, intitulé « Politiques urbaine et planification des villes ». Organisé en même temps que la phase de préparation du 7ème Plan (1976-1980), il cherchait à exploiter les résultats de la recherche urbaine et à confronter ses résultats à l’opinion des fonctionnaires en charge de la planification urbaine.

Enfin, le colloque de Saint-Étienne-en-Dévoluy, intitulé « Prendre la ville, esquisse d’une histoire de l’urbanisme de l’Etat » marque le troisième moment clé, synonyme de retrait de la recherche des questionnements sur la planification urbaine. Elle classe finalement la planification parmi les outillages disciplinaires impossibles ou illusoires.