1.3.2.3. Des approches focalisées sur le « local »

A une critique des logiques étatiques qui tentent de normaliser les pratiques locales, s’articule aussi le développement d’une série de recherches qui analysent les difficultés de la mise en œuvre de la planification urbaine à partir de l’irréductibilité du « local ». Le colloque organisé

en mai 1975 par L. Sfez et intitulé « L’objet local » souligne notamment que « la théorie classique de la représentation qui reposait sur les trois postulats de la décision gouvernante répondant aux besoins des gouvernés, grâce à un bon système de communication reliant les gouvernés aux gouvernants, les représentés aux représentants, s’effondre aujourd’hui. On ne croit plus à la décision, acte linéaire, rationnel et libre ».

Sous une autre forme, J.-P. Alduy et M. Dagnaud 126 expliquent également comment le poids de la société locale a pu entraver les innovations portées par des services étatiques novateurs en région parisienne. Leurs travaux demeurent une illustration de la problématique de la planification, telle qu’elle se proposait de moderniser la France en maîtrisant d’une façon globale et rationnelle le développement, programmé dans le long terme, des infrastructures nécessaires à la croissance économique, ainsi que l’extension et l’amélioration du cadre de vie.

P. Calame découvre, quant à lui, deux choses en même temps, lorsqu’il constate l’existence d’un « décalage considérable entre le document d’urbanisme et la réalité économique, politique, et sociale de la production des villes » 127 . Les procédures administratives, élaborées sur le plan national et faites essentiellement pour la Région parisienne, ne tiennent pas compte, d’une part, de la diversité des contextes locaux et escamotent, d’autre part, les différences de par leur caractère normatif. « Elles mutilent ainsi une réalité différenciée en la forçant à s’adapter à des catégories qui ne sont pas faites pour elle ».

C’est aussi le local qui est au cœur des réflexions de M. Marie et J. Viard lorsqu’ils analysent les heurts entre la rationalité planificatrice centrale et les spécificités locales 128 . La logique majeure qui est celle de l’urbanisation, de la gestion prévisionnelle, et de la règle de construction « n’a d’impact sur la réalité paysanne qu’après un long processus de réinterprétation, propre et singulier à chaque commune. […] Le POS est le produit de l’articulation entre l’Etat et la communauté rurale ». Leur recherche montre ainsi la diversité avec laquelle une règle uniforme peut être interprétée par rapport aux groupes composant les différentes communautés.

Notes
126.

ALDUY J.-P., DAGNAUD M., La 5 ème République et l’aménagement de la région de Paris, Paris, IAURIF, Paris, 5 vol., 1977 et 1978, 319 p., 52 p., 447 p., 65 p., 225 p.

127.

CALAME P., « De la théorie à la pratique quotidienne de l’aménagement », Annales de la recherche urbaine, n°3, 1979.

128.

MARIE M., VIARD J., La campagne inventée - ou ce qu’il advient des rapports entre les paysans, leurs communautés et l’environnement urbain dans quatre villages d’un pays de moyenne Provence, La Paradou,
éd. Actes-Sud, 1977, 239 p.