1.3.2.4. La problématique de l’acteur et la théorie des organisations

Les approches développées par les tenants de la sociologie des organisations 129 s’opposent en tous points aux modèles d’interprétation marxistes. Pour ces auteurs, il ne s’agit pas de prendre position dans le débat qui « oppose l’aménagement pratiqué comme un problème de technique et de savoir-faire à l’aménagement pratiqué comme mouvement politique, comme lieu d’affrontement entre les idéologies, les intérêts ou les projets des classes sociales » 130 . Il s’agit plutôt de donner la priorité à l’étude des moyens et des mécanismes considérés comme largement autonomes par rapport au contenu social qu’ils véhiculent. Ces mécanismes sont capables, selon eux, de susciter une dynamique propre qui peut infléchir l’issue finale du processus de planification (dans le cadre des limites du système).

Cette approche minore l’étude du changement dans les attitudes et les valeurs, au profit de l’analyse du changement dans les modes d’organisation, qui caractérisent le « style d’action » fondamental d’une société. Si M. Crozier constate comme d’autres auteurs, notamment marxistes, un changement manifeste dans l’environnement technique et économique, il insiste sur la lenteur de sa diffusion dans les modes d’organisation à la française, qui restent très inadaptés à leur environnement. L’analyse des rapports de pouvoir entre corps à l’intérieur de l’administration permet ainsi de comprendre comment ils imposent leur logique à la politique urbaine envisagée par les fonctionnaires. Selon M. Crozier, la politique urbaine est ainsi profondément conditionnée par des rivalités corporatives inhérentes aux exigences intra-organisationnelles.

Notes
129.

Voir notamment CROZIER M., Le phénomène bureaucratique. Essai sur les tendances bureaucratiques des systèmes d’organisation modernes et sur leurs relations en France avec le système social et culturel, Paris, Seuil, 1963 (réed. 1971), 384 p. ; THOENIG J.-C., L’ère des technocrates. Le cas des Ponts et Chaussées, Paris, éd. d’Organisation, 1973, 279 p. ; FRIEDBERG E., L’Etat et l’industrie en France, Rapport d’enquête ronéotypé, Paris, CSO-CORDES, 1976 ; GREMION P., Le pouvoir périphérique. Bureaucrates et notables dans le système politique français, Paris, Seuil, 1976, 477 p. ; WORMS J.-P., « Le préfet et ses notables », Sociologie du travail, n°8, 1966, pp. 249-276.

130.

THOENIG J.-C., FRIEDBERG E., « Politiques urbaines et stratégies corporatives », Sociologie du travail, n°4, 1969.