Bien que les travaux scientifiques publiés dans les années 1990 ne témoignent pas d’un renouvellement problématique et théorique particulier, la plupart insistent sur l’émergence d’approches nouvelles de la planification urbaine 132 . Les chercheurs la qualifie d’ailleurs de planification stratégique 133 . Elle s’apparente davantage à un management public urbain, qui essaie de faire partager aux acteurs locaux un projet d’avenir commun.
La mise en œuvre de ce projet privilégie notamment des méthodes de décision et de gestion largement empruntées au management des entreprises, et des modes de réalisation associant de façon approfondie et en partie renouvelée des acteurs publics et privés.
Plusieurs articles et programmes de recherche soulignentle glissement de l’aménagement du territoire de la rationalité substantielle àune rationalité procédurale 134 . Dans ce contexte, les problématiques sur la planification urbaine sont en réalité assez cadrées par les questionnements en termes de contrats, conventions et gouvernance. Ces concepts développés dans plusieurs disciplines permettent des approches conjointes des politologues, des sociologues, voire des économistes.
Nous étudierons principalement deux articles de J.-G. Padioleau et R. Demesteere 135 et nous aborderons brièvement l’ouvrage dirigé par A. Motte 136 . La planification urbaine n’est pas véritablement au cœur de leurs approches, mais elle est traitée, soit par le biais de problèmes sectoriels (politique de la ville, développement économique, environnement), soit par des questionnements sur les institutions d’agglomération et les rapports entre les différents pouvoirs publics. En outre, ces approches reflètent bien les idées et concepts (comme la « régulation » et la « gouvernance ») qui sont développés dans plusieurs disciplines depuis un peu plus d’une dizaine d’années.
Voir à cet égard, Les Annales de la Recherche Urbaine, La planification urbaine et ses doubles, n°51, juillet 1991.
La mise en œuvre d’une planification urbaine dite stratégique consiste à augmenter les capacités stratégiques de l’acteur-ville et à les déployer consciemment. Les démarches stratégiques emploient par conséquent des outils et des procédures scientifiques et techniques avec l’intention d’améliorer l’efficacité, ou mieux les performances, de l’action publique pour en souligner les dimensions symboliques et de mise en scène. A la manière d’une entreprise, la ville s’apparente dès lors à une organisation, à un instrument pour atteindre des buts. Un tel dessein nécessite que la ville excelle dans ses activités de management. Cette représentation instrumentale ne correspond pas simplement à des images, elle recouvre aussi des pratiques, des activités de perception, de connaissance, d’action dans lesquelles des acteurs sociaux investissent des intérêts et des stratégies. Les idées d’instrument, d’entreprise ou d’efficacité rendent possibles, désirables, voire même inéluctables selon J.-G. Padioleau, l’emploi de méthodes managériales.
Voir notamment ASCHER F., « Vers un urbanisme stratégique, décisionnel et heuristique », in Métropolis 1990, 3ème congrès de l’association mondiale des grandes métropoles, Melbourne, 15-19 octobre 1990, Paris, Métropolis, 1990, pp. 331-336 ; PADIOLEAU J.-G., DEMESTEERE R., « Les démarches stratégiques de planification des villes. Origines, exemples et questions », Les Annales de la Recherche Urbaine,
« La planification urbaine et ses doubles », n°51, juillet 1991, pp. 7-20. Les commandes de recherche lancées en 1993 n’interrogent pas directement la planification urbaine, mais elles proposent un questionnement sur les formes d’évolution du gouvernement des villes (le PIR-Villes du CNRS) et sur l’intervention de la « puissance publique dans les processus de production urbaine » (Plan Urbain).
PADIOLEAU J.-G., DEMESTEERE R. (1991), op. cit. ; PADIOLEAU J.-G., « L’action publique :
du substantialisme au pragmatisme », Techniques, Territoires et Sociétés, n°22-23, juin 1993, pp. 89-96.
MOTTE A. (dir.), Schéma directeur et projet d’agglomération : l’expérimentation de nouvelles politiques urbaines spatialisées (1981-1993), Aix-en-Provence, éd. Juris-Service, 1995, 272 p.