1.3.4.1. Les approches de la planification urbaine

Première posture de recherche : une approche centrée sur les stratégies territoriales et les gouvernements locaux

Les recherches dirigées par G. Novarina (2003) nous intéressent car elles mettent en perspective le système de planification français en le comparant au système italien. Elles abordent à la fois les cadres législatifs existants 156 , les processus de planification et les actions de gouvernement qu’ils impliquent. Ainsi, pour chaque projet d’aménagement étudié, les auteurs identifient d’une part les systèmes d’acteurs locaux qui contribuent à leur mise en œuvre, et ils analysent d’autre part les relations qu’ils entretiennent avec les décisions de planification. L’analyse des grands projets souligne essentiellement l’apparition de nouvelles formes de planification et de programmation négociées dans lesquelles les procédures contractuelles occupent une place importante.

Deux aspects de ce programme de recherche nous intéressent plus particulièrement, car ils abordent la question du sens du renouveau des politiques d’urbanisme et de planification territoriale. Le premier aspect concerne les modes de faire et la conception même de la planification. En Italie, la diffusion des procédures contractuelles s’articule avec une nouvelle culture de l’urbanisme. Elle ne considère plus le plan comme une finalité et un moyen réglementaire mais comme un instrument d’analyse et de lecture du territoire qui permet d’élaborer une connaissance partagée entre différents acteurs. La volonté est dès lors de disposer « de documents de planification qui fixent des lignes d’action à moyen terme sans pour autant figer toute possibilité d’adaptation aux évolutions conjoncturelles ». Le plan territorial pourrait ainsi devenir « le lieu de lancement de projets qui font par la suite l’objet de négociations dans le cadre des diverses formules de programmation négociée » 157 .

Le modèle français maintient quant à lui la séparation entre les deux domaines de l’action publique que sont la programmation et la planification urbaine. En matière de programmation, le contrat est le moyen privilégié pour répartir les aides et les subventions. Il s’impose d’ailleurs dans différents champs d’intervention comme le développement local, la culture, l’habitat, l’économie, l’environnement, l’agriculture, et l’enseignement supérieur. Il facilite les négociations tant lors de la mise au point des objectifs que lors de l’établissement des priorités de financements. En revanche, la planification urbaine n’est pas imprégnée de la culture du contrat. Bien que les négociations se soient développées dans le cadre des zones d’aménagement concerté, elles demeurent limitées à un petit nombre de décideurs (le plus souvent le maire et ses adjoints ainsi que les promoteurs immobiliers) et se font le plus souvent à la marge des choix opérés par les plans d’urbanisme.

Le deuxième aspect mis en valeur par la comparaison des systèmes de planification français et italien concerne les relations que les différents systèmes d’acteurs locaux entretiennent avec les décisions de planification. En Italie, une série de lois instaure notamment les programmes complexes qui favorisent l’intégration des interventions publiques et privées. Principalement orientés vers le soutien au développement local et à la requalification urbaine, les programmes complexes tentent d’ordonner les décisions publiques d’urbanisme et les choix des opérateurs privés. Cette exigence conduit in fine à un abandon du modèle de la planification normative et hiérarchique et à son remplacement par la mise en œuvre d’une programmation négociée.

Selon G. Novarina, le caractère concerté des programmes complexes garantit leur efficacité, car il favorise l’expérimentation de dispositifs d’actions permettant de sortir de la juxtaposition d’interventions sectorielles. Ce principe ne mobilise pas les seuls acteurs économiques mais un grand nombre d’acteurs sociaux intéressés à la réalisation d’un projet 158 . En France, le principe d’efficacité conduit au contraire à construire une coalition de gouvernement restreinte « aux acteurs qui comptent dans l’agglomération ». Ce type de planification relativise en réalité le critère d'efficacité de l'action publique car elle le circonscrit très souvent aux ressources accessibles et, plus particulièrement, à celles aux mains des principaux partenaires de la démarche de planification.

Deuxième posture de recherche : une approche centrée sur l’articulation entre la planification spatiale classique, les démarches stratégiques des villes et les transformations des modes de gouvernement urbain

La recherche conduite par l’Institut d’Urbanisme de Lyon sur les nouveaux dispositifs de planification territoriale et les gouvernements urbains en Rhône-Alpes, et celle réalisée en partenariat avec l’Institut d’Urbanisme de Grenoble sur l’évolution de la planification urbaine en Europe, proposent des interrogations communes sur le sens du renouveau de la planification urbaine 159 .

Notes
156.

Ce qui en Italie signifie analyser à la fois la législation nationale et les lois régionales.

157.

NOVARINA G., op. cit., p. 217.

158.

Qu’ils relèvent de la sphère publique ou de la sphère privée.

159.

Le colloque international organisé dans le cadre des dix-huitièmes Entretiens du Centre Jacques-Cartier les
5 et 6 décembre 2005 et intitulé « A la recherche de la cohérence territoriale, la planification urbaine à l’épreuve du développement métropolitain dans le monde », a notamment permis de rendre compte des résultats de ces programmes de recherche comparative sur le renouvellement de la planification urbaine dans les aires métropolitaines. Il a également permis de confronter l’expérience et les points de vue de chercheurs et professionnels issus de différents pays (Allemagne, Canada, France, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni).
Les questions de recherche ont abordé le renouvellement de la planification urbaine à partir de quatre éléments : la mise en cohérence des différentes dynamiques territoriales à travers les plans spatiaux, les gouvernements urbains, les stratégies de développement métropolitain et les scènes plus ou mois formelles de négociation directe entre différents niveaux institutionnels. La mise en perspective des processus de planification urbaine a par ailleurs distingué les conditions endogènes que représentent les dynamiques territoriales propres à chaque métropole et les conditions exogènes propres à chaque contexte national (qu’elles soient plus ou moins coercitives comme les nouvelles lois, incitatives ou permissives).