Le contexte

Ces deux programmes de recherche fondent leur approche théorique sur des constats identiques. Tout d’abord, après avoir été le mode dominant d’encadrement de la croissance et de l’organisation urbaine et territoriale, les outils de la planification deviennent une des modalités possibles de l’action publique urbaine, parfois mis en concurrence par d’autres modalités comme les démarches stratégiques et les projets urbains.

Ensuite, la tension entre la décentralisation et la coopération métropolitaine agit sur les processus de planification urbaine. D’une part, la décentralisation augmente la compétition entre les collectivités locales et, d’autre part, la coopération au niveau métropolitain devient de plus en plus importante pour s’affirmer dans l’économie mondialisée. De par sa vocation à créer de la cohérence entre des politiques sectorielles différentes, la planification opère dans ce champ de tension, entre dynamiques endogènes (acteurs collectifs locaux, identité, développement local) et diffusion de modèles d’action mondialisée sous forme de bonnes pratiques.

Enfin, les villes deviennent le moteur du développement d’un nouveau type de planification stratégique, à travers l’élaboration de programmes d’actions sectoriels. Ces stratégies de développement métropolitain traduisent et expriment des choix collectifs qui ne sont pas a priori spatiaux, mais qui ont néanmoins des conséquences territoriales. L’émergence de cette nouvelle planification implique en revanche l’existence préalable d’un certain degré de gouvernement urbain avec une véritable capacité de régulation et de décision. Elle présuppose la construction de consensus locaux et de mécanismes de négociation sur les enjeux importants. Elle nécessite également l’association des acteurs locaux, privés et publics, autour de ces enjeux, et la construction d’un leadership politique et territorial.

Ce dernier constat éclaire particulièrement bien notre étude de cas. En effet, l’incapacité actuelle à mettre en œuvre ce type de planification stratégique sur le territoire « élargi » de la ville nouvelle peut s’expliquer en partie parce que ces conditions préalables ne sont pas remplies. Il devra certainement valider encore certaines étapes pour se positionner en tant qu’« acteur collectif » capable de mettre en place des stratégies de développement territorial 160 .

A partir de ces constats, ces deux programmes de recherche « comparative » se sont focalisés sur les stratégies de développement métropolitain et sur les nouvelles pratiques de négociation entre acteurs pour rendre compte de l’articulation entre la planification urbaine et les gouvernements urbains. Cette posture de recherche est riche de sens pour notre propre analyse de la planification, car elle permet de saisir la façon dont cette articulation se construit dans des processus décisionnels.

Notes
160.

RABILLOUD S., « L’Isle d’Abeau ou le blocage de la construction politique de l’agglomération », in VADELORGE L. (dir.), Gouverner les villes nouvelles. Le rôle de l’Etat et des collectivités locales (1960-2005), Paris, éd. Manuscrit-Université, 2005, pp. 339-358 ; RABILLOUD S., « La ville nouvelle de L’Isle d’Abeau : quel référentiel pour l’action publique locale ? », in VADELORGE L. (dir.), Eléments pour une histoire des villes nouvelles, Paris, éd. Manuscrit Université, 2004, pp. 131-146 ; RABILLOUD S., SCHERRER F.,
« L’Isle d’Abeau : la difficile naissance politique de l’agglomération », Pouvoirs Locaux, 2004, pp. 52-58 ; DOUILLET A.-C., FAURE A., VANIER M., « L’Isle d’Abeau ou la ville nouvelle malgré tout, quelques réflexions sur le traumatisme territorial en politique », in CHALAS Y. (dir.), De la ville nouvelle à la ville contemporaine, Paris, La Documentation française, 2005, pp. 105-129.