Les prémices d’un renouvellement problématique d’ensemble

Le programme HEVN (2001-2005) piloté par un service de l’Etat central 170 est le seul programme de recherche qui a retenu les villes nouvelles comme un objet de recherche à part entière. A l’heure où elles quittent progressivement leur statut dérogatoire au droit commun, l’Etat éprouve le besoin d’évaluer ses « expérimentations » en matière d’habitat et de vie sociale pour mieux comprendre le cheminement de l’œuvre entreprise et ses résultats en vue d’éclairer trois questions. Premièrement, comment un projet de cette ampleur s’est-il géré dans le temps ? Selon quelles modifications ? Deuxièmement, les villes nouvelles ont-elles accueilli une population diversifiée ? Sont-elles devenues de « vraies villes » produisant une vie sociale originale, selon le souhait de leurs concepteurs ? Troisièmement, quels enseignements en tirer pour la politique de la ville et la politique urbaine ?

En mobilisant de nombreuses disciplines et notamment l’histoire, les commanditaires, qui sont aussi les concepteurs des villes nouvelles, tentent surtout d’éviter qu’elles ne tombent dans l’oubli. En effet, quoi de plus évident et urgent que d’inscrire quarante ans d’aménagement et de soutien continu de l’Etat dans la chronologie de l’aménagement du territoire et de la politique de la ville ? Ce programme de recherche permet par ailleurs de justifier l’intervention de l’Etat dans la construction des villes nouvelles en validant l’œuvre entreprise et en expliquant les principaux décalages entre les intentions initiales de l’aménagement et les réalités de la gestion urbaine et sociale.

Bien que les recherches initiées par le programme HEVN témoignent d’une conjoncture spécifique où se condensent les enjeux et les questions propres du pôle du pouvoir 171 , la capitalisation thématique de chaque équipe de chercheurs et la diversité disciplinaire d’origine ont néanmoins contribué à formuler un questionnement de plus grande ampleur sur les modes d’action publique. Si les questionnements théoriques ne portent pratiquement pas sur la planification urbaine bien que les villes nouvelles en soient des objetsemblématiques 172 , ils abordent en partie les visées et les méthodes de l’intervention publique sur le territoire. Certaines recherches font même le pari du caractère heuristique de l’analyse des référentiels qui ont promu et développé les villes nouvelles 173 . Selon nous, ce type de questionnement est à même de renouveler les approches théoriques de la planification urbaine.

Notes
170.

Le Secrétariat général des grandes opérations d’urbanisme (le SGGOU) est rattaché à la Direction Générale de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Construction (DGUHC) du ministère de l’Equipement. La mission d’histoire et d’évaluation des villes nouvelles s’appuie par ailleurs sur un comité de pilotage associant un représentant des huit ministères concernés et une personnalité qualifiée. Le programme est financé par ses principaux partenaires que sont le PUCA, le PREDIT, la DATAR, et la Direction de l’Architecture.

171.

Schématiquement, le pôle intellectuel se saisit des thématiques de recherche selon les objectifs prioritaires du programme HEVN, initié et piloté par un service de l’Etat central.

172.

Voir à cet égard, les résultats et les publications du programme HEVN (Etat au 2 mai 2005, document consultable sur le site internet www.villes-nouvelles.equipement.gouv.fr ) ainsi que la liste des thèses soutenues (GALMICHE C., Liste des thèses soutenues en France concernant les villes nouvelles. Situation au 20 octobre 2005, Programme HEVN, 39 p.). Sur les trente-cinq rapports de recherche réalisés pour le compte de la mission interministérielle, neuf sont des revues de littérature et des comptes rendus d’interviews de décideurs qu’ils soient aménageurs ou élus. Les autres rapports portent tout d’abord sur l’histoire des acteurs, des idées et des choix. Nous citerons uniquement ceux dont les approches peuvent alimenter notre problématique de recherche : CHALAS Y. (dir.), L’Isle d’Abeau, de la ville nouvelle à la ville contemporaine, Paris, La Documentation Française, 2005, 239 p. ; VANONI D., SAUVAYRE A., Identités, représentations collectives et gouvernance urbaine dans les villes nouvelles de
Cergy-Pontoise et Saint-Quentin-en-Yvelines
, FORS, 2003, 105 p. ; LEBRETON J.-P., BROUANT J.-P., Villes nouvelles et décentralisation : mise en perspective historique, juridique et financière de l’intercommunalité dans les villes nouvelles, GRIDAUH, 2004, rapport ronéoté, 2 tomes : 1- rapport de synthèse, 79 p. ; 2- monographies - rapport final, 235 p. ; ESTEBE P., Du laboratoire au club : les villes nouvelles dans le système politique francilien
(1970-2000),
février 2005, rapport ronéoté, 51 p. Certains rapports abordent ensuite les modes de vie et la « vie locale ». Enfin, quelques recherches portent sur la dimension économique des villes nouvelles : BEHAR D., ESTEBE P., GONNARD S., Les villes nouvelles en Ile-de-France - séminaire organisé dans le cadre du programme HEVN -, ACADIE, août 2003, rapport ronéoté, 104 p. ; DAVEZIES L., Evolution des fonctions des villes nouvelles depuis 20 ans : accueillir, produire, servir-desservir, L’ŒIL – IUP-Université Paris 12, 2004, rapport ronéoté, 79 p.

173.

Voir notamment RABILLOUD S., « La ville nouvelle de L’Isle d’Abeau : quel référentiel pour l’action publique locale ? », in VADELORGE L. (dir.), Eléments pour une histoire des villes nouvelles, Paris, éd. Manuscrit Université, 2004, pp. 131-146 ; BEHAR D., ESTEBE P., GONNARD S., Les villes nouvelles d’Ile-de-France ou la fortune d’un malentendu – Revue de littérature (1965-2000), Paris, Acadie, juin 2002, 59 p.