2.1.2.1. Le SDAU de la région parisienne : un acte « anti-fonctionnaliste »

Le SDAU de la région parisienne tente tout d’abord de dépasser le fonctionnalisme des démarches précédentes, et notamment celles mises en œuvre dans le cadre du Plan d’Aménagement et d’Organisation générale de la Région parisienne (PADOG). Le SDAU se veut au contraire « une prise de conscience des effets néfastes du fonctionnalisme considéré comme une banalisation quantitative, une abstraction homogénéisante de l’espace social » 201 . S. Ostrowetsky le définit également comme une reprise historique, un retour au qualitatif et à la symbolique urbaine. Il n’est pas seulement une tentative de mise en place et d’organisation, mais aussi un moyen de la gestion sociale au sein même du temps de la planification. La rationalité fonctionnaliste passe ainsi de la revendication sociale à la gestion étatique du social.

Dans cette perspective,les villes nouvelles deviennent une manifestation d’une réaction affirmée contre ce qui est considéré comme la logique trop strictement utilitaire et fonctionnaliste. Elles en sont à la fois la conséquence et l’envers. Dès lors, leur urbanisme ne reposerait plus sur la nécessité d’un équilibre fonctionnel mais sur une réflexion « essentialiste » où la fonction n’est pas exclue, mais interrogée.

L’approche de S. Ostrowetsky porte par ailleurs surles visées et méthodes d’élaboration du SDAU de la région parisienne. Elle interroge d’une part son « efficace sociale » dans la mesure où il demeure « non opposable aux tiers ». Elle questionne d’autre part la nature même de l’espace des villes nouvelles, qui est essentiellement informé par l’écrit, et la signification de cette entreprise.

Selon S. Ostrowetsky, l’élaboration du SDAU de la région parisienne résulte avant toutd’une confrontation politique et technique de divers groupes de pression. Bien qu’elle adopte dans ses recherches les thèses marxistes qui interprètent le SDAU comme un scénario de « compromis » à l’intérieur d’une dominance d’intérêts structurels, son approche demeure plus nuancée. Le SDAU est certes un « lieu » de négociation, mais son contenu ne se réduit pas simplement aux intérêts d’un groupe ou d’une classe.Le schéma devient en effet un projet politique dont l’objectif n’est ni la remise en question du mode de propriété, ni du fonctionnement démocratique libéral mais « la recherche d’une réconciliation avec la tradition, au sein d’une volonté d’innovation ». Le pouvoir politique se double « d’un progressisme social, d’un démocratisme, qui apparente davantage le contenu des schémas, au libéralisme social qu’à la stricte logique des intérêts d’un groupe ou d’une classe » 202 .

Le SDAU de la région parisienne s’appuie par ailleurs sur des évaluations prédictives, sur des réalités chiffrées pour justifier son projet. Il ne s’agit plus « de répondre à une nécessité présente, un besoin, mais d’offrir à l’avance la réponse à une demande prévisible » 203 . Dans cette perspective, le schéma est un « projet d’accompagnement » que S. Ostrowetsky décrit comme un projet « réaliste ».

Notes
201.

OSTROWETSKY S. (1983), op. cit., p. 99.

202.

OSTROWETSKY S. (1983), op. cit., p. 188.

203.

Ibidem, p. 176.