2.3.2.1. Le système ville nouvelle : un système sous tension

Les recherches d’A. Sauvayre et de D. Vanoni 276 rappellent tout d’abord comment ont été élaborés les premiers outils de l’intercommunalité et la façon dont les élus ont été amenés à en jouer, afin de repérer sur quels registres a pu fonctionner le triangle EPA/SAN/communes 277 . Le retour sur quelques conflits « fondateurs » permet de montrer une intercommunalité qui s’est d’abord construite de manière défensive face à l’Etat et au « projet ville nouvelle », avant d’évoluer, avec l’émergence d’une élite politique endogène et l’installation des SAN (suite à la loi Rocard), vers une logique d’accompagnement de la politique des EPA.

Les recherches de P. Estèbe 278 précisent par ailleurs que la loi Rocard de 1983 organise un système de tension inverse à celui engendré par la loi Boscher dans les années 1970. Dans ce nouveau régime, la tension ne se produit plus entre l’EPA et les communes, mais entre le syndicat d’agglomération et les communes. D’une certaine manière, une des fonctions de l’intercommunalité en villes nouvelles a été d’être mise au service des réalités communales, car les élus étaient attachés à maintenir les communes dans leur socle de légitimité politique. Selon P. Estèbe, si l’intercommunalité a trouvé sa légitimité, c’est dans sa capacité à gérer le développement de ces territoires. Elle conserve d’ailleurs aujourd’hui cette dimension gestionnaire et pragmatique.Pour A. Sauvayre et D. Vanoni, cette dimension interroge la capacité d’une institution politique de second degré à promouvoir un projet de territoire solidaire. D’autant que la reconnaissance publique des SAN est faible.

P. Estèbe fait également remarquer que le système de tension n’est pas nécessairement lié à des oppositions partisanes, des différences générationnelles (entre « anciens » et « nouveaux », par exemple) ou encore au gradient d’adhésion au projet. Il est presque mécanique dès lors que l’intercommunalité monte en puissance politique et passe de la prestation de service à la conduite et à la réalisation du projet de territoire. Le système de tension est aussi mécaniquement lié au mode d’élection : la commune demeure l’échelon de base dont les conseillers sont élus au suffrage universel direct. Il est enfin lié à des conflits d’échelles : l’intérêt communautaire n’est pas égal à la somme des intérêts communaux et, réciproquement, ce qui peut apparaître rationnel et prioritaire du point de vue communautaire ne l’est pas nécessairement du point de vue communal. Globalement, ces tensions semblent productives, dans la mesure où les formules institutionnelles, et particulièrement la loi Rocard, ouvre des marges de manœuvre et d’interprétation.

Notes
276.

VANONI D., SAUVAYRE A. (2003), op. cit. ; Voir également les abstracts publiés récemment : VANONI D., SAUVAYRE A., « Gouvernance et villes nouvelles », Pouvoirs Locaux, n°60, 2004, pp. 81-86. ; VANONI D., SAUVAYRE A., « L’intercommunalité à l’heure de la fermeture des EPA à Cergy et Saint-Quentin-en-Yvelines », in VADELORGE L. (2005), op. cit., pp. 359-372.

277.

Voir également ESTEBE P., GONNARD S. (2005), op. cit.

278.

ESTEBE P. (2005), op. cit.