2.3.2.2. Un système où les arrangements sont possibles

Ces marges de manœuvre et d’interprétation semblent constituer dans la pratique des SAN une médiation efficace pour ajuster les relations communes/communautés. Selon P. Estèbe 279 , ce travail constant d’ajustement est perceptible dans le registre des compétences et du principe de spécialité. Premièrement, la possibilité de déclarer d’intérêt commun tel ou tel équipement permet des négociations entre les communes et les SAN, et donc « une forme d’association à la définition itérative de l’intérêt communautaire » 280 . Deuxièmement, la plupart des compétences dévolues au SAN sont exercées, de fait, conjointement avec les communes : il n’y a donc pas de substitution ou dévolution de compétences.

Pour J.-P. Brouant et J.-P. Lebreton 281 , il existe une véritable logique d’imbrication entre les SAN et les communes qui a permis aux élus locaux de faire prévaloir une conception de la subsidiarité conciliant nécessité de l’action communautaire et susceptibilités communales. Dans cette perspective, les deux auteurs ont montré comment, en fonction des contextes locaux, les SAN ont pu faire évoluer leur mission initiale. Ils n’ont pas été uniquement les pilotes ou les accompagnateurs d’une politique d’investissement physique dans la continuité du projet étatique. Ils sont en effet intervenus très souvent dans des secteurs de l’action publique locale en complément des communes. Dans certains cas, ils ont même assuré une coordination des politiques municipales.

Enfin, certaines marges de manœuvre laissées aux SAN peuvent être décelées par un examen minutieux de leur budget. Pour V. Chomentowski, si les SAN apparaissent globalement comme des « machines » à rembourser les dettes occasionnées par les investissements physiques, il existe des nuances entre eux dès lors que l’on compare les dépenses d’investissements, les dépenses de fonctionnement et les rétrocessions aux communes 282 . Tel SAN apparaît plutôt comme essentiellement tourné vers l’investissement ; tel autre fait apparaître des dépenses de fonctionnement considérables en assurant des services à l’ensemble du territoire, comme celui de L’Isle d’Abeau ; tel autre, encore, fait le choix d’une politique de redistribution et de solidarité intercommunale.

Au total, la loi Rocard de 1983 apparaît dans la pratique incrémentale,en ce sens que ses dispositions ont permis des développements inédits qui ont conduit les SAN et les communes à aller bien au-delà de ce que le législateur avait attribué aux premiers : l’aménagement et le développement économique.

Dans cette optique, P. Estèbe démontre par ailleurs que la question de la « responsabilité » va bien au-delà de la délimitation générale des compétences. Selon lui, les SAN acquièrent de fait une forme de « responsabilité territoriale générale », plus ou moins reconnue, consensuelle ou aboutie selon les villes nouvelles, qui les autorisent à s’inscrire dansun processus d’appropriation et donc de transformation du projet étatique originel.

Notes
279.

ESTEBE P. (2005), op. cit.

280.

Ibidem, pp. 24-32.

281.

BROUANT J.-P., LEBRETON J.-P., op. cit., p. 15.

282.

CHOMENTOWSKI V. (2005), op. cit., pp. 87-110.