3.1.3.1. La phase de conception

Nous entendons par « phase de conception », la phase de formulation des objectifs d’aménagement. Ces objectifs définissent l’état considéré comme satisfaisant à atteindre par les solutions adoptées 326 . Ainsi conçue, la notion d’objectif renvoie à celle d’orientation des choix opérés par les acteurs du système politico-administratif. Partant, la phase de conception sera analysée tant du point de vue de ses éléments constitutifs que du point de vue des arrangements d’acteurs qu’elle implique. Quatre éléments constitutifs peuvent d’ores et déjà être identifiés :

  • les objectifs à atteindre (quels sont les résultats attendus ?),
  • les éléments opératoires (quels sont les instruments privilégiés pour atteindre ces objectifs ?),
  • les éléments organisationnels (quelles sont les autorités chargées de leur formulation puis de leur mise en œuvre ?),
  • les éléments procéduraux (quelles sont les procédures à respecter lors de leur mise en œuvre ?).

Cette approche s’inscrit notamment dans la lignée des travaux de H.-A. Simon (1969) pour lequel s’intéresser à la conception, c’est s’intéresser à « l’invention d’artefacts permettant d’atteindre des objectifs », et s’intéresser aux concepteurs, c’est s’intéresser à tous ceux qui imaginent « quelque disposition visant à changer une situation existante en une situation préférée » 327 . Il nous faut également souligner que la formulation des objectifs émerge d’un construit collectif, directement lié aux perceptions, aux représentations, aux intérêts et aux valeurs des acteurs concernés à titre d’individus et/ou de groupes organisés (P. Müller, 1990) 328 .

Ce processus de formulation résulte par conséquent directement d’interactions entre les acteurs concernés. Il consiste plus souvent en une lutte de pouvoirs entre groupes d’acteurs qu’en une démarche consensuelle 329 . Le contrôle de ce processus représente ainsi un enjeu politique fondamental, voire l’instrument suprême du pouvoir 330 . Autrement dit, une véritable compétition oppose divers groupes d’acteurs, chacun essayant d’imposer son ou ses propre(s) objectif(s).

Précisons enfin que lors de la formulation des objectifs d’aménagement, les différents acteurs manipulent des images et des symboles afin de renforcer leur argumentation. D’un point de vue analytique, ce processus de formulation comporte une dimension empirico-cognitive (parfois y compris une base scientifique solide) et une dimension normative 331 qu’il nous faudra aborder.

Notes
326.

Au niveau du schéma directeur et du projet de territoire, les objectifs peuvent être définis de manière très abstraite (l’un des trois objectifs de la ville nouvelle affiché dans le SDAU était qu’elle devienne « un pôle structurant régional permettant l’ouverture de l’espace régional à ses espaces de développements d’échelle supérieure (France, Europe) ») ou très précise (« La ville nouvelle doit se fixer d’attirer au moins 60 000 habitants nouveaux »).

327.

SIMON H.-A., The Sciences of the Artificial, Cambridge MA, The MIT Press. Trad. Fr. Les Sciences de l’artificiel, Paris, Gallimard-Folio, 2004 (1ère ed. 1969), pp. 201-207.

328.

MULLER P. (1990), op. cit., pp. 42-49. L’identification des objectifs d’une action publique n’est pas aisée puisqu’il s’agit d’identifier « l’image de la réalité » sur laquelle les différents acteurs du système politico-administratif veulent intervenir et vers laquelle ils tendent. C’est ce que B. Jobert et P. Müller (1987, 1990) nomment le référentiel : « Le référentiel d’une politique est constitué d’un ensemble de normes prescriptives qui donnent un sens à un programme politique en définissant des critères de choix et des modes de désignation des objectifs ». Ces auteurs distinguent le référentiel sectoriel (à l’œuvre dans le cadre d’une politique publique particulière) et le référentiel global (dominant à l’échelle du gouvernement et plus largement de la société).
D’une certaine manière, leur approche lie la définition des objectifs des politiques publiques aux coalitions d’intérêts qui se définissent en fonction des convictions partagées par les différents acteurs parties prenantes de
la formulation et/ou de la mise en œuvre de la politique publique.

329.

Voir à cet égard GARRAUD P., Politiques nationales : élaboration de l’agenda, L’Année Sociologique, n°40, 1990, pp. 17-41.

330.

Voir notamment GAUDIN J.-P. (éd.), La négociation des politiques contractuelles, Paris, L’Harmattan,
coll. Logiques Politiques, 1996, 227 p.

331.

KNOEPFEL P., LARRUE C., VARONE F., op. cit., pp. 155-157.