3.2.1. Les variables de situation ou structurelles

Le choix de prêter une attention privilégiée à la caractérisation des situations dans lesquelles les processus de conception et de mise en œuvre se déploient rejoint d’abord le paradigme actionniste qui positionne le contexte d’action comme une catégorie clé d’analyse. Ce choix rejoint également l’approche de S. Ostrowetsky (1983) sur le SDAU de la région parisienne et celle de J.-P. Boutinet (2005) sur le projet urbain : ces deux procédures semblent en effet émerger d’une confrontation entre les finalités poursuivies par les auteurs du schéma et du projet, et la situation toujours singulière dans laquelle s’inscrit l’action. J.-P. Boutinet parle notamment d’un compromis entre « le souhaitable » qui renvoie aux finalités des acteurs et « le possible » qui renvoie aux caractéristiques de la situation. Partant, il s’agit d’explorer les processus de conception et de mise en œuvre en examinant, dans chaque cas, ce qui caractérise les situations et comment ces caractéristiques interviennent sur la relation intentions/passage à l’acte.

Ces informations sur la situation dans laquelle les acteurs déploient leur action ne doivent pas être vues comme des détails destinés à ajouter quelque couleur locale à la description mais comme l’identification des « conditions contextuelles dans lesquelles les choses que nous étudions – les relations que nous dévoilons, les processus sociaux généraux que nous sommes si fiers d’avoir découverts – existent. […] D’une manière plus formelle encore, disons que les conditions contextuelles d’un événement, d’une organisation ou d’un phénomène sont cruciales pour qu’il apparaisse ou qu’il existe, et qu’il le fasse sous telle forme particulière. Expliciter ces conditions aide à produire une analyse plus riche et à fournir de meilleures explications » 334 .

Par ailleurs, la caractérisation de ces situations ne vise pas l’exhaustivité pas plus qu’elle ne repose sur une catégorisation ex ante des « paramètres » de la situation. En effet, dans le cadre de la posture inductive qui préside à la démarche développée dans notre recherche, il s’agit de relativiser tous les déterminismes, contraintes et opportunités posés de manière abstraite et absolue pour, au contraire, privilégier une mise à jour empirique des paramètres effectivement actualisés dans les pratiques. Autrement dit, il s’agit d’aborder la situation telle qu’elle est perçue par les acteurs et intervient dans la production de leur activité.

Ensuite, si l’on admet avec les théories de l’action que les comportements « sont une réponse toujours raisonnable et contingente aux données perçues de la situation, ces comportements peuvent être utilisés comme indicateurs et outils de découverte de ce contexte » (E. Friedberg, 1993). Enfin, il s’agit de distinguer « les motifs » des contextes d’action. « Les motifs sont constitués par ce qui est susceptible d’être explicité comme intention d’action, tandis que les contextes désignent ce qui détermine les choix qui sont faits » (E. Friedberg, 1993).

La caractérisation de la variable situation sera donc conduite au vu « de la manière dont les participants agissent », mais il reste à délimiter le champ des acteurs à examiner ainsi que celui de leurs actions. En effet, parler d’acteurs ne renvoie pas à une métaphysique ou à une vision normative sur ce qu’est un acteur : ici, est acteur, celui qui participe au champ d’action considéré et dans la mesure où son comportement a une influence sur ce champ d’action 335 .

Notes
334.

BECKER H., Les ficelles du métier. Comment conduire sa recherche en sciences sociales, Guides Repères, Paris, La Découverte, 2002, p. 100.

335.

Cela n’est pas contradictoire avec la reconnaissance du fait que les capacités d’action ne se valent pas et qu’il peut y avoir une évolution de ces capacités d’actions en cours d’action. Par ailleurs, avec les théories de l’action, l’acteur peut être individuel ou collectif.