3.2.2.1. Les acteurs institutionnels

Chaque acteur institutionnel considéré se définit comme la plus petite unité d’action d’un système politico-administratif 337 , c’est-à-dire celle que son homogénéité interne rend invisible en sous-unités. Cette homogénéité est fonction de la structure hiérarchique ou de l’adhésion volontaire de personnes réunies dans le but d’accomplir une fonction spécifique lors de la conception et de la mise en œuvre du schéma directeur et du projet de territoire. Quels que soient son insertion institutionnelle et son degré de subordination hiérarchique à des supérieurs politiques ou administratifs, chaque acteur dispose (par définition) d’une autonomie de fonctionnement. Chaque acteur institutionnel est compétent pour se prononcer sur tous les sujets inscrits dans ces attributions. Ce qui n’exclut pas bien entendu l’existence d’influences directes ou indirectes liées aux institutions ou aux services d’appartenance 338 .

L’ensemble des acteurs institutionnels chargés d’élaborer et/ou de mettre en œuvre le SDAU de la ville nouvelle et le projet de territoire Nord-Isère constitue un arrangement politico-administratif (P. Knoepfel et alii, 2001). L’arrangement politico-administratif est défini par les interactions existant entre les acteurs qui le composent, aupremier rang desquels

nous pouvons citer l’Etat et certains de ses services, les collectivités locales et territoriales, ainsi que l’établissement public à caractère industriel et commercial, l’EPIDA (i.e. une administration parapublique) auquel l’Etat a délégué une partie de ses prérogatives pour définir le champ normatif du projet de ville nouvelle. Ces interactions sont organisées et structurées par des règles d’attribution de compétences spécifiques, et par des règles de coordination liées aux procédures administratives à respecter. Cette notion d’arrangement politico-administratif, fondée sur l’existence d’une responsabilité publique, nous permet ici de qualifier le « système-acteur » ou le « système d’action » à l’œuvre dans le SDAU et le projet de territoire.

Plus précisément, nous considérons que trois dimensions internes caractérisent la structure de l’arrangement politico-administratif :

  • le nombre et le type d’acteurs(l’arrangement politico-administratif est-il mono- ou pluri-actoriel ?). En plus du nombre d’acteurs impliqués dans la conception et la mise en œuvre du SDAU et du projet de territoire, nous devons aussi identifier leur provenance, soit leur appartenance à tel ou tel organisme administratif ou organisation para-publique.
  • le degré de coordination horizontale 339 (l’arrangement politico-administratif est-il intégré ou fragmenté ?) et verticale 340 (l’arrangement politico-administratif est-il imbriqué ou cloisonné ?). Cette dimension permet de qualifier la structure de base des relations de pouvoir entre les acteurs impliqués dans la conception et la mise en œuvre du SDAU et du projet de territoire. Ces relations sont-elles stables entre le SDAU et le projet de territoire ? Sont-elles encore de type hiérarchique dans le projet de territoire ? Les compétences législatives et réglementaires, mais aussi celles de la mise en œuvre, sont-elles partagées de manière égalitaire entre l’Etat et les collectivités locales ? Ces dernières disposent-elles d’une autonomie plus large pour l’élaboration et la mise en œuvre du projet de territoire ?
  • Le degré de centralité des acteurs clés (l’arrangement politico-administratif est-il centralisé ou égalitaire ?). Cette dimension se rapporte aussi bien à la dimension verticale qu’à la dimension horizontale des modes de coordination entre acteurs. La position centrale se traduit notamment par la possibilité, pour ses détenteurs, d’intervenir contre la volonté des autres acteurs et d’imposer unilatéralement leur point de vue 341 . Le recours aux analyses de réseaux d’action publique nous permet notamment de mesurer trois types de degré de centralité d’un acteur.La centralité locale indique le nombre d’acteurs avec lesquels un acteur se trouve en contact direct. La centralité globale indique quant à elle le degré de proximité d’un acteur avec tous les autres acteurs du réseau. Enfin, les acteurs dits intermédiaires sont ceux par lesquels tout passe. Ils s’avèrent dès lors incontournables aussi bien dans la formulation de l’action publique que dans sa mise en œuvre. Cette autre mesure de la centralité d’un acteur-clé peut notamment servir d’indicateur du pouvoir des acteurs, dans le sens de leur capacité à contrôler les comportements des autres acteurs parties prenantes.

Notes
337.

Ce terme classique a été initialement proposé par D. Easton (1965) : « Le système politico-administratif comprend l’ensemble des institutions gouvernementales (parlement/gouvernement), administratives et judiciaires d’un pays, qui disposent de la capacité apparemment légitimée par l’ordre juridique de structurer n’importe quel domaine de la société par des décisions de nature autoritaire. Ces décisions résultent de processus politico-administratifs qui sont réalisés selon des règles de procédure d’interactions internes et externes précises ». EASTON D. (1965), op. cit., p. 25.

338.

Ces influences expliquent, au moins en partie, le comportement des acteurs et, plus largement, l’élaboration et la mise en œuvre du SDAU et du projet de territoire. B. Jobert et P. Müller (1987) qualifient ces influences
de référentiel commun, P. Sabatier (1987) de « belief system » et W. Parsons (in F. Bourricaud, 1977) de normes ou « valeurs » imposées par les organisations.

339.

Selon P. Knoepfel (2001), La fragmentation politico-administrative ne découle pas automatiquement d’une structure complexe incluant de nombreux acteurs. Elle se manifeste bien plus par une absence de coordination horizontale substantielle qui, à son tour, peut résulter de l’appartenance des acteurs à des organisations administratives ou à des « milieux » divergents, voire carrément opposés en raison de leurs tâches respectives primaires, de leurs valeurs, des intérêts qu’ils représentent et défendent, et des objectifs qu’ils poursuivent.

340.

Principalement entre les niveaux politico-administratifs (Etat, collectivités territoriales, collectivités locales).

341.

Cependant, la domination d’un acteur (dit central) ne se manifeste pas par une soumission pure et simple des autres acteurs (dits périphériques) : la menace d’une intervention unilatérale de la part de l’acteur central dominant est souvent suivie de négociations bi- ou multilatérales avec les autres acteurs, qu’ils soient publics ou sociaux.