Le consensus ou la « ressource politique »

Le consensus constitue une ressource que chacun des acteurs peut avoir ou non à sa disposition. En l’absence de consensus apparaissent des conflits et des obstructions. Cette ressource politique recouvre le capital de légitimation apporté par le suffrage démocratique, capital souvent contrebalancé ou renforcé par une ressource consensus spécifique, en jeu lors des processus concrets de mise en œuvre. Cette ressource est généralement la plus échangée entre les acteurs dans le cadre de la mise en œuvre du SDAU et du projet de territoire.

En revanche, le consensus (relatif) entre les acteurs institutionnels et les acteurs sociaux, quant aux modalités de production et aux contenus des actes de mise en œuvre, semble constituer un enjeu plus important dans le cadre de l’élaboration du projet de territoire que dans celui du SDAU. La pratique administrative actuelle offre dans ce domaine plusieurs stratégies dites d’information, de consultation, de participation, de négociation ou de médiation. Le changement de statut de la ville nouvelle, qui passe d’une opération d’intérêt national au droit commun, est bien évidemment un facteur explicatif de l’utilisation plus intensive du consensus.

Ce changement de statut entraîne notamment un remodelage complet des modes de relation entre l’Etat et les collectivités locales, comme entre les collectivités locales elles-mêmes. Sans détailler ici l’ensemble des conséquences de cette mutation, retenons simplement que la fin de l’opération d’intérêt national engendre pour les collectivités locales le plein exercice de compétences juridiques dont l’Etat avait jusqu’ici conservé la mise en œuvre au bénéfice du projet de la ville nouvelle. Désormais, la conception et la mise en œuvre du projet sont placées sous la responsabilité des collectivités locales et non plus de l’Etat. Ce changement de portage entraîne un nouveau processus de définition des politiques publiques du développement fondé non plus sur des rapports d’autorités entre l’Etat et les collectivités locales, mais sur des formes renouvelées de concertation et de négociation. Dans ce contexte, le consensus devient une ressource précieuse, car elle est considérée comme nécessaire afin de pouvoir pallier toute éventualité de blocage.

Notons également que cette ressource est aussi très fragile. Les recherches sur les approches participatives des années 1970 nous enseignent en effet qu’une « culture du consensus » nécessite une certaine continuité dans le temps, une ouverture égale à tous les acteurs garantissant notamment des échanges suffisants, et, enfin, des modes organisés de règlement des conflits. Dans cette perspective, le recours aux valeurs symboliques, partagées communément par les acteurs, est un moyen courant de produire et reproduire cette ressource politique. Dire et redire ces valeurs symboliques contribue en effet à stabiliser les relations entre acteurs, et ce d’autant plus qu’ils sont hétérogènes (A. Picon, 1997, M. Vanier, 1997, M. Lussault, 1998, G. Di Méo, 2000, F. Scherrer, 2004).