3.2.4. Les règles institutionnelles

Nous ne reviendrons pas dans cette partie sur les raisons qui nous poussent à considérer l’analyse des règles institutionnelles 362 encadrant le jeu des acteurs comme nécessaire (partie 3.1). Relevons simplement qu’elles ont une influence directe sur les stratégies 363 , les intérêts et les comportements des acteurs et, par là, sur le contenu et les modes de faire du SDAU et du projet de territoire. Enferrés dans les règles institutionnelles formelles et informelles, les acteurs adoptent des comportements politiques qui sont en adéquation avec les valeurs et les attentes véhiculées par ces règles, en même temps qu’ils les modifient de manière incrémentale par leurs propres décisions et actions (P. Knoepfel et alii, 1999).

Malgré les nombreuses divergences entre les écoles néo-institutionnalistes 364 , les auteurs majeurs convergent au moins sur deux points. Premièrement, tous les courants de recherche définissent les règles institutionnelles comme des structures et des règles formelles 365 , explicites et généralement formalisées juridiquement, et comme des normes informelles, implicites mais partagées par les membres d’une organisation ou d’une communauté. La prise en compte de ces deux types de règles est nécessaire, car les normes informelles peuvent supplanter l’influence des règles formelles, voire même s’avérer plus stables que ces dernières.

Deuxièmement, les règles institutionnelles reflètent les rapports de pouvoir entre les acteurs et assurent à certains d’entre eux un accès privilégié aux arènes décisionnelles et de mise en œuvre de l’action publique 366 . Si elles ne déterminent pas en soi la participation des acteurs et les résultats substantiels des actions étatiques, elles offrent néanmoins des opportunités d’action sélectives et biaisées. En définitive, les règles institutionnelles affectent les préférences et l’identité des individus, en même temps que ceux-ci les exploitent d’un point de vue stratégique pour faire valoir leurs intérêts.

Dans notre étude de cas, nous focalisons l’attention sur les règles institutionnelles qui régissent les acteurs publics (ministères, administrations, collectivité locales, établissement public) en charge de la conception et/ou de la mise en œuvre du SDAU et du projet de territoire. Ces derniers disposent en effet, en vertu de la législation 367 , de ressources administratives leur permettant d’apporter une contribution indispensable et autonome à la conception et/ou à la mise en œuvre du SDAU et du projet de territoire.

Sans entrer plus avant dans les détails, retenons que les règles institutionnelles fixent :

En résumé, l’analyse comparée des phases de conception et de mise en œuvre du SDAU de la ville nouvelle et du projet de territoire Nord-Isère s’appuie sur trois variables, hormis celle concernant spécifiquement leur situation 368  :

1. Les acteurs parties prenantes : les formes d’organisation

2. Les ressources mobilisées ou non :

3. Les règles institutionnelles :

Notes
362.

Dans notre travail, nous utilisons indifféremment les termes règles institutionnelles et institutions. Ils sont pour nous synonymes.

363.

Les acteurs politiques agissent notamment de manière intentionnelle et réflexive. Ils formulent leurs stratégies aussi en fonction des opportunités données par les règles institutionnelles.

364.

Dites sociologique ou approche culturaliste (J.-G. March, J.-P. Olsen 1989), historique ou approche structuraliste (P.-B. Evans et alii 1985, P.-A. Hall 1986), économique ou approche calculatrice (D.-C. North, 1990).

365.

Ces règles institutionnelles formelles sont régies par des règles élaborées selon une logique organisationnelle et procédurale. Les différentes acteurs publics exécutent leurs tâches dans le respect de la délégation hiérarchique des compétences et des grands principes du droit administratif, ce qui assure une certaine régularité et prévisibilité aux interventions publiques. Ces règles institutionnelles sont essentiellement orientées par une logique d’action qui incite les acteurs publics à coordonner leurs décisions et leurs actions. Dans ce sens, les règles institutionnelles sont des facteurs de stabilisation des comportements des acteurs, de leurs interactions et des résultats substantiels qui
en découlent.

366.

De manière générale, les règles institutionnelles fixent le périmètre du domaine concerné, c’est-à-dire le périmètre du problème collectif que la politique publique cherche à résoudre. Elles définissent quels acteurs, et à quelle condition, ont le droit de participer à la résolution du problème collectif. Elles assignent telle position ou tel rôle
à tel acteur. Elles prescrivent le lien entre la position et les décisions ou actions permises, c’est-à-dire la hiérarchie des positions et des activités. Elles fixent les canaux d’information et le langage utilisé entre les acteurs.
Elles établissent enfin des modalités de pondération des voix individuelles lors de décisions collectives.

367.

Nous pouvons citer par exemple, la Loi d’Orientation Foncière (LOF) du 30 décembre 1967 ; la Loi Solidarité et Renouvellement Urbains (SRU) du 13 décembre 2000 (dite Loi Gayssot ; Loi modifiée par la Loi Urbanisme et Habitat du 02 juillet 2003) ; la Loi d’Orientation pour l’Aménagement et le Développement Durable du Territoire (LOADDT) du 25 juin 1999 (dite Loi Voynet) ; la Loi relative au renforcement et à la simplification de
la coopération intercommunale du 12 juillet 1999 (dite Loi Chevènement) ; la Loi « portant modification du statut des agglomérations nouvelles » du 13 juillet 1983 dite Loi Rocard ; la Loi « tendant à faciliter la création d’agglomérations nouvelles » du 10 juillet 1970 dite Loi Boscher ; ou encore les décrets en Conseil d’Etat créant
les Etablissements Publics d’Aménagement (EPA) et fixant leurs statuts, etc.

368.

i.e. tout ce qui a trait à la nature du SDAU et du projet de territoire ; au contexte économique, juridique, politique, social, territorial… autant de paramètres ici donnés à titre d’exemple mais qu’il faudra dégager de manière empirique en relation avec la manière dont les participants agissent et en regard desquels ils vont chercher à adopter un comportement approprié (Voir également chapitre 3.2.1.).