3.3.3.2. Trois grands types de matériaux

La priorité à la démarche empirique et aux logiques des acteurs a pour corollaire la priorité à l’enquête qualitative. L’approche qui consiste ici à chercher à reconstruire des logiques d’action, i.e. des comportements adaptés à des fins et à une situation (ou des situations), impose de fait de comprendre les significations propres aux acteurs et d’accéder à un niveau de compréhension de ces situations dans lesquelles les comportements prennent sens. « Pour leur partie la plus explicite et formalisée, cela peut se faire par l’étude de documents. A des niveaux intermédiaires de structuration, les entretiens constituent le principal moyen d’accès. La part la plus implicite et la moins formalisée des contextes ne peut, en revanche, être appréhendée que par une authentique socialisation de longue durée sur le terrain » 383 .

Dans le cadre de ce travail, ce troisième niveau est omniprésent dans l’enquête étant donné notre immersion dans le « local », de par notre activité professionnelle au sein de l’EPIDA depuis 2000.Cette « observation participante » nous permet notamment d’accéder à la complexité des interactions entre tous les acteurs impliqués dans la conception et la mise en œuvre du projet de territoire, et d’observer finement leurs stratégies et comportements individuels.

Outre l’observation « participante », le matériau recueilli est constitué par trois types de corpus :

La passation d’entretiens semi-directifs intégralement enregistrés et retranscrits a pour objectif la collecte d’éléments narratifs d’ordre historique, factuel, et informatif (opinions, documents et contacts). Les entretiens permettent ainsi de confirmer ou d’infirmer certains des constats et informations préalablement trouvés. Ils nous permettent également de mesurer les différents niveaux de discours, les objectifs avoués et parfois officieux de certains acteurs ou groupes d’acteurs. L’enquête a essentiellement pour objectif final de connaître la perception et l’opinion des acteurs sur les mécanismes décisionnels. Cette enquête est multidimensionnelle 384 . Par conséquent, nous avons aussi bien rencontré des élus locaux 385 , des fonctionnaires municipaux 386 , des fonctionnaires des services de l’Etat central 387 et de l’Etat local 388 , des salariés de l’EPIDA, que des membres du Conseil de développement Nord-Isère.

Elles constituent les principaux matériaux de notre analyse. Elles sont essentiellement constituées de documents juridiques (droit public et droit constitutionnel) mais aussi législatifs, réglementaires et politiques (lois de décentralisation, lois relatives aux villes nouvelles, politiques municipales, politiques d’agglomération nouvelle, etc.).

Ces documents officiels sont complétés par des sources documentaires de nature assez variée :

L’analyse de ces documents permet non seulement d’identifier les acteurs présents, leurs intérêts, leurs compétences et leurs objectifs respectifs (convergents ou divergents), mais aussi de retracer le contenu et le cheminement des réflexions. En revanche, l’ensemble de ces sources doit être complété, dans une moindre mesure, par des sources documentaires secondaires.

Ces sources sont essentiellement constituées de données bibliographiques de types monographies, recherches universitaires et archives (publiques et privées) 389 , portant sur la ville nouvelle de L’Isle d’Abeau, son histoire politique, sa politique d’urbanisme,
son développement économique et social, ses projets urbains, etc. Ces sources sont notamment mobilisées pour conduire une analyse étoffée du SDAU et du projet de territoire, particulièrement dans la compréhension du contexte local (i.e. relatifs à la ville nouvelle et/ou à ses acteurs).

Nous avons porté également un vif intérêt aux sources journalistiques, aux quotidiens locaux et nationaux, ainsi qu’à tous documents ou informations produits par les acteurs locaux ou à leur initiative. Ces sources, à traiter avec circonspection, sont des vecteurs d’information intéressants. Nous avons constitué des revues de presse thématiques pour alimenter l’étude du SDAU et du projet de territoire. Elles ont le mérite d’attirer l’attention sur certains faits non officialisés et sur les discours politiques par exemple.

Les chapitres suivants présentent successivement le SDAU de la ville nouvelle (chapitre 4) et le projet de territoire Nord-Isère (chapitre 5). Nous les analyserons selon les principales dimensions exposées jusqu’ici (parties 3.1. et 3.2.). Sur ces bases, nous étudierons leurs phases de conception et de mise en œuvre en fonction des stratégies des acteurs (institutionnels et sociaux), des ressources qu’ils mobilisent pour faire valoir leurs intérêts et leurs droits, et des contraintes et opportunités qui leurs sont fixées par les règles institutionnelles générales et spécifiques. Nous appliquons ici la même grille d’analyse pour le SDAU et le projet de territoire afin de saisir pleinement les ruptures et les continuités entre ces deux dispositifs, et ce au niveau de leur contenu et de leurs modes de faire.

Notes
383.

GIRIN J., « L’analyse empirique des situations de gestion : éléments de théorie et de méthode »,
in MARTINET A.-C. (ed.), Epistémologies et Sciences de Gestion, Paris, Economica, 1990, p. 166.

384.

La problématique suppose une diversité d’acteurs, d’attitudes, d’intérêts et d’objectifs ainsi que de trajectoires et de modes d’intervention. Nous sommes en présence de plusieurs catégories d’acteurs, au statut d’informateur différent.

385.

Les vingt-sept maires des communes du SATIN et une partie de leurs adjoints en charge de différents domaines de l’action publique locale. Nous avons également rencontré une partie des élus du syndicat mixte chargé d’élaborer et de mettre en œuvre le SCOT Nord-Isère, de même que le Chef de projet. Quelques élus du
Contrat Global de Développement « Isère Porte des Alpes » - conduit sous l’égide de la région Rhône-Alpes - et du Contrat de Ville Nord-Isère ont également été interrogés.

386.

Directeurs de services municipaux et du SAN de L’Isle d’Abeau, personnel du cabinet du Maire (communes de Bourgoin-Jallieu, Villefontaine et L’Isle d’Abeau).

387.

Secrétariat Général du Groupe Central des Villes Nouvelles (SGVN), devenu Secrétariat Général des Grandes Opérations d’Urbanisme (SGGOU).

388.

Secrétariat Général aux Affaires Régionales (SGAR), Sous-Préfecture de La Tour-du-Pin, Direction Départementale de l’Equipement (DDE), Inspection d’académie, Direction Départementale de l’Agriculture et de la Forêt (DDAF), Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales (DASS), Direction Départementale de la Jeunesse et des Sports (DDJS), etc.

389.

Notre recherche s’appuie notamment sur les fonds documentaires et les archives de l’EPIDA.