4.1.2. L’élaboration du Schéma d’Aménagement de l’Aire Métropolitaine Lyon – Saint-Etienne – Grenoble (SDAM), 1966-1970

Le PADOG ainsi conçu n’a jamais été approuvé, mais il a servi de base pour l’élaboration des documents ultérieurs. Le lancement de la politique des métropoles régionales par la DATAR en 1965 ayant consacré Lyon comme métropole régionale pour Rhône-Alpes en complément avec Saint-Etienne puis Grenoble en 1968, une Organisation d’Etude d’Aménagement de l’Aire Métropolitaine Lyon – Saint-Etienne (OREAM) est créée en février 1966 et chargée d’élaborer le Schéma d’Aménagement (SDAM).

Compte tenu de l’élargissement du périmètre de l’étude, il ne peut s’agir effectivement que d’un schéma ; mais les principales options relatives à la croissance des différentes parties de la métropole tricéphale et à son équipement y figurent (voir carte n°4, page suivante). C’est ainsi qu’en 1970, le SDAM se fixe comme objectifs à réaliser en trois étapes (1977, 1985, 2000) et plus particulièrement pour l’agglomération lyonnaise 393  :

Carte n°4 : L’Isle d’Abeau, une urbanisation volontaire pour organiser l’aménagement de la métropole d’équilibre Lyon – Saint-Etienne - Grenoble
Carte n°4 : L’Isle d’Abeau, une urbanisation volontaire pour organiser l’aménagement de la métropole d’équilibre Lyon – Saint-Etienne - Grenoble

Source : SDAM, 1970

Sur ce point, les arguments avancés sur l’insuffisance des capacités des sites alternatifs, sur la nécessité de protéger certains espaces agricoles ne sont pas très convaincants. Il semble plutôt que le recentrage de la métropole, avec l’entrée de Grenoble dans le jeu, ait fait choisir un axe de développement destiné à servir à la fois de lieu géométrique, et d’épine dorsale de la région, d’autant que c’est sur cet axe que l’expansion urbaine se manifeste avec le plus
de force.

De même, le SDAM renonce aux greffes sur les villes moyennes ou petites, pour proposer seulement deux villes entièrement nouvelles à L’Isle d’Abeau et dans la Plaine de l’Ain. Cette option « tout à l’Est », très volontariste, envisage une région lyonnaise structurée autour d’un triangle formé par Lyon et ces deux villes nouvelles (carte n°5, p. sv). Elle appuie par ailleurs la promotion de la métropole lyonnaise par la réalisation de grands équipements d’intérêt régional : centre de La Part-Dieu, métro, aéroport de Satolas, TGV, réseau autoroutier.

Concernant la ville nouvelle de L’Isle d’Abeau et « l’Ensemble Urbain » Meximieux-Ambérieu, autrement appelés « centres urbains nouveaux » 394 , le schéma les considère avec une attention particulière quant à leur justification, leur nature et leur physionomie 395 . Leur réalisation est justifiée uniquement par des considérations « spatiales » : ils sont situés sur les axes préférentiels de l’accroissement de la population 396 et du desserrement des entreprises (carte n°6, page suivante) ; leur situation géographique recèle non seulement des atouts (proximité de l’aéroport de Satolas, du centre de Lyon, des Alpes et du couloir rhodanien) mais leur site a également une valeur en termes de qualité paysagère, de possibilités d’implantations industrielles et d’aménagements de loisirs nautiques.

Carte n°5 : La région lyonnaise structurée autour d’un triangle formé par Lyon et ses deux villes nouvelles : L’Isle d’Abeau et Meximieux-Ambérieu
Carte n°5 : La région lyonnaise structurée autour d’un triangle formé par Lyon et ses deux villes nouvelles : L’Isle d’Abeau et Meximieux-Ambérieu

Source : SDAM, 1970

Selon le SDAM, ces « centres urbains nouveaux » doivent permettre à la fois de « réanimer les régions rurales en perte de vitesse comme le Bas-Dauphiné et la Basse Plaine de l’Ain » 397 et de « compléter les possibilités de desserrement de l’agglomération lyonnaise en offrant des structures d’accueil différentes – complémentaires et non concurrentes – de celles déjà existantes sur l’axe fluvial » 398 . En plus de toutes considérations de géographie et d’économie générale, les centres urbains nouveaux se justifient dans le SDAM par « le fait que leur coût, là où ils ont été prévus, est compétitif par rapport à celui des opérations périphériques » 399  ; un argument relativisé et entaché d’incertitude dans d’autres chapitres du schéma 400 .

Ce dernier présente par ailleurs quelques principes d’aménagement qui « doivent être respectés » par les SDAU qui seront mis en chantier à L’Isle d’Abeau et dans le Haut-Rhône 401  :

« Ces ensembles urbains nouveaux doivent avant tout avoir un centre, c’est-à-dire une zone où se rassemblent à la fois des fonctions commerciales de niveau supérieur à celui du quartier, des activités de bureau, des activités culturelles et de loisirs, certaines activités d’enseignement supérieur et de recherche ; une zone, aussi, où il est possible et agréable à l’ensemble de la population de venir flâner » ;

« Les quartiers d’habitation doivent être divers, de l’habitat concentré à l’habitat très dispersé, dans une proportion que les études locales détermineront en fonction des désirs présumés des populations, des sites, des possibilités de circulation, etc. » ;

Carte n°6 : L’alternative de développement de l’agglomération lyonnaise : un développement périphérique en tache d’huile ou la création de villes satellites, « centres d’équilibre »
Carte n°6 : L’alternative de développement de l’agglomération lyonnaise : un développement périphérique en tache d’huile ou la création de villes satellites, « centres d’équilibre »

Source : SDAM, 1970

‘« Les activités doivent autant que possible être équilibrées. Les qualités des sites pour l’accueil d’industries ainsi que les objectifs de desserrement envisagés pour Lyon favoriseront l’implantation d’établissements industriels. Par ailleurs, l’attraction d’activités tertiaires – commerces et services – est aussi nécessaire, pour offrir à la population résidente des équipements suffisants et pour fournir des emplois notamment à une population féminine en âge d’activité ».’

En définitive, la ville nouvelle de L’Isle d’Abeau doit faire l’objet d’une planification complète et d’un début de réalisation dès le VIe plan pour « répondre aux besoins qui vont se manifester massivement sur l’axe Lyon-Bourgoin, tandis que l’ensemble urbain Meximieux-Ambérieu ne sera d’abord qu’un accompagnement des implantations industrielles probables à Loyettes dans le proche avenir » 402 .

Le SDAM est approuvé le 26 mai 1970 par le Conseil Interministériel pour l’Aménagement du Territoire (CIAT), puis présenté au Conseil des Ministres le 10 juin 1970. Ce schéma a la valeur d’une Directive Nationale d’Aménagement du Territoire. Elle s’impose donc aux autorités ayant la responsabilité de l’aménagement et de l’équipement du territoire. En particulier les préfets doivent veiller à ce que les SDAU mis en chantier après le vote de la Loi d’Orientation Foncière de 1967 respectent les grandes options du SDAM.

Ce schéma constitue à la fois une sorte de charte pour les actions d’aménagement et d’équipement des pouvoirs publics et des investisseurs privés, et un dossier de référence pour les études plus détaillées conduisant à des documents d’urbanisme ayant force juridique. Aussi peut-on lire dans un rapport du Préfet de région adressé au conseil régional Rhône-Alpes : « il n’est pas possible d’apprécier le choix de créer une ville nouvelle à L’Isle d’Abeau, d’étudier l’évolution passée et présente de celle-ci, de remettre en cause certaines ambitions ou certains moyens de mise en œuvre de la Ville Nouvelle, sans resituer, point par point, le développement de la Ville Nouvelle par rapport à celui de la Région Urbaine de Lyon tout entière » 403 .

Notes
393.

Schéma d’Aménagement de la métropole Lyon- Saint-Etienne – Grenoble, OREAM Lyon- Saint-Etienne Région Rhône-Alpes, Ministère de l’Equipement et du Logement, La Documentation Française, mars 1971,
pp. 180-206.

394.

Voir à cet égard MEILLERAND M.-C., op. cit., p. 129. A partir de 1967, la notion de « ville nouvelle » devient un « archétype » en aménagement du territoire dont on n’hésite pas à reprendre les principes, les fondements pour aménager la banlieue. Cette façon d’associer d’autres aménagements (comme celui des banlieues) sous
le vocable « ville nouvelle » en faisant référence uniquement à ses principes novateurs peut être une explication aux nombreuses hésitations dans son utilisation. Les documents administratifs usent de termes divers comme « ville satellite » (même s’il n’avait pas cette signification en 1962, il l’adopte à partir de 1964), « centre urbain nouveau », « ville nouvelle » tout en représentant la même réalité. Ces hésitations peuvent témoigner des difficultés à comprendre concrètement ce que ces termes signifient réellement en matière de forme urbaine.
De plus, l’absence de moyens administratifs jusqu’en 1967 (Loi d’Orientation Foncière), n’aide pas
les responsables de l’aménagement à imaginer concrètement leur réalisation.

395.

Schéma d’Aménagement de la métropole Lyon- Saint-Etienne – Grenoble, pp. 92-94.

396.

Il est prévu qu’ils accueillent 500 000 habitants sur les 1 300 000 habitants nouveaux prévus dans la Région Urbaine de Lyon, alors que, dans le même temps, l’agglomération lyonnaise accueillerait 630 000 habitants.

397.

Schéma d’Aménagement de la métropole Lyon- Saint-Etienne – Grenoble, p. 92.

398.

Ibidem.

399.

Ibidem, p. 218.

400.

Voir chapitre VIII-4. (p. 217 du SDAM).

401.

Ibidem, p. 94.

402.

Schéma d’Aménagement de la métropole Lyon- Saint-Etienne – Grenoble, p. 198.

403.

Rapport du Préfet de Région. Les perspectives de développement de la ville nouvelle de L’Isle d’Abeau
– Session extraordinaire du Conseil Régional, 28 novembre 1977 –
, Région Rhône-Alpes – Etablissement Public Régional, novembre 1977, p. 20.