4. Le projet de la ville polynucléaire ou parti éclaté

Ce projet aspire à utiliser toutes les potentialités du site « sans s’attacher à une conception traditionnelle de la ville » 414 . L’habitat dense est concentré sur la commune de L’Isle d’Abeau qui compte 60 000 habitants et tous les équipements principaux. Au contraire, sur les plateaux Sud et Nord, un habitat diffus, regroupé en cinq unités, est disposé au contact même de la nature. Ces unités sont hiérarchisées tant au regard de leur type de construction (habitat collectif, intermédiaire ou individuel) qu’à celui de leurs fonctions (« bourgade », « village » ou « hameau »). En bas des reliefs, deux parkways rabattent la circulation en direction de L’Isle d’Abeau, tandis que l’autoroute permet un accès rapide à toutes ses parties. Le projet éclaté présente une capacité globale de 130 000 à 200 000 habitants, avec une proportion de 50% de logements individuels. Il permet une stratégie de développement souple fondée d’abord sur un démarrage de la zone industrielle de Saint-Quentin-Fallavier, secteur le plus proche de Lyon et de Satolas, et l’implantation des premiers quartiers le plus près de Saint-Quentin-Fallavier sur les plateaux Sud au niveau des étangs de Fallavier et de Saint-Bonnet, ou sur les plateaux Nord, autour de l’étang de Charamel.

L’hypothèse du parti éclaté, écrivait C. Vignaud, « était incontestablement la mieux adaptée à la singularité du grand site et la plus apte à offrir un mode de vie nouveau tout en se prêtant à une réalisation souple. A son propos, on serait tenté d’abandonner le « vocable » ville nouvelle qui évoque déjà une tradition, et de se référer plutôt à la notion d’une région urbaine intégrée dans un milieu rural dont on voudrait qu’elle offre à ses habitants les charmes de la ville et ceux de la campagne, sans les inconvénients » 415 .

Le choix de la version maximaliste qui occupe toute l’étendue du site s’explique, au-delà des considérations énoncées ouvertement, par la volonté de garder la maîtrise sur le plus d’espace possible.Dans le même temps, cette option coupe court à toute tentative de restreindre la Zone d’Aménagement Différé (ZAD) telle qu’elle est définie par l’OREAM, et ce bien avant qu’un projet véritable ne soit arrêté.

Le Livre blanc insiste par ailleurs sur les dispositions volontaristes à adopter en matière de programmation des équipements de transport, d’espaces verts, de contrôle des affectations foncières. Concernant cette dernière disposition, l’objectif fixé par l’Etat en 1970 416 est l’acquisition de 3 000 hectares, comprenant le futur centre urbain, les sites essentiels de la ville et les zones de raccordement aux grandes infrastructures où une poussée spéculative risque de se manifester. Parallèlement, le marché foncier doit être « dégelé », ce qui n’est possible que par une première Déclaration d’Utilité Publique (DUP). Conformément aux procédures nationales, le Livre blanc distingue par ailleurs deux étapes pour la réalisation de ses objectifs : une étape intermédiaire en 1985 et une étape finale en l’an 2000.

Enfin, il faut signaler que le Livre blanc, officiellement approuvé par le Gouvernement lors du Comité Interministériel d’Aménagement du Territoire du 26 mai 1970, a pour but essentiel d’obtenir les premières décisions permettant à la fois de confirmer la création de la ville nouvelle et d’engager les premières actions d’aménagement ; le tout sans attendre l’achèvement du SDAU de la ville nouvelle. Dans cette optique, le Livre blanc définit une première esquisse du programme d’actions susceptible d’être réalisé au VIe Plan. Il propose :

Notes
414.

Propositions. L’Isle d’Abeau, Ville Nouvelle, p. 30.

415.

ROSSI R., VIGNAUD C., « Ville Nouvelle de L’Isle d’Abeau », Urbanisme, n°114, mai 1969, p. 40.

416.

Note émanant du Préfet de la Région Rhône-Alpes, Préfet du Rhône, au Ministre de l’Equipement et du Logement, 27 mars 1970 (Archives de l’EPIDA) .