L’équipe d’études : la MEAVN (1969-1972) puis l’EPIDA (1972-1978)

De 1969 à 1972, la MEAVN, installée par le préfet de l’Isère le 21 janvier 1969, a pour objectifs, préalablement à la constitution de l’organisme d’aménagement de la ville nouvelle (l’EPIDA), de réaliser les études d’urbanisme, d’aménagement et d’équipement nécessaires ; d’animer et de coordonner les acquisitions foncières ainsi que les premiers travaux d’aménagement ; d’élaborer un bilan programme prévisionnel et l’échéancier de réalisation de la ville nouvelle. Placée sous la responsabilité du ministre de l’Equipement et du Logement, la MEAVN est une administration temporaire interministérielle, intégrée dans les administrations ministérielles, disposant des quasi-pouvoirs de décision et d’une grande souplesse dans son action pour remplir la mission qui lui a été confiée et qui constitue sa raison d’être 450 .

Dans cette perspective, la MEAVN a de fait le monopole de la conception. Une directive ministérielle du 8 juillet 1969 précise notamment le rôle accordé à la MEAVN dans plusieurs domaines. Au niveau urbanistique, il s’agit d’étudier « les fonctions essentielles de la ville nouvelle et sa localisation, la capacité d’accueil se rapportant aux logements et aux emplois, la vocation des terrains situés sous l’influence directe du centre, et les équipements collectifs nécessaires à une structuration indispensable de la ville nouvelle ». Sur le plan économique et financier, les études doivent « déboucher sur l’établissement d’un plan de financement prévisionnel de l’opération, afin d’évaluer le degré de compétitivité de la ville nouvelle à l’égard d’une urbanisation classique et d’estimer la compatibilité entre les charges publiques qu’une telle opération entraîne et les ressources que les collectivités sont susceptibles de lui consacrer ». Sur le plan opérationnel, la directive du 8 juillet 1969 souligne par ailleurs que « la MEAVN ne doit pas seulement faire œuvre d’urbanistes et de financiers, mais aussi de commerçants, c’est-à-dire qu’il est recommandé de classer les sols entre les différentes affectations après avoir procédé à une étude de marché et d’associer très rapidement les constructeurs publics et privés aux travaux afin de choisir les parties rentables ». Cette directive fait donc évoluer le rôle de la MEAVN en passant de la fonction d’analyste à celle d’aménageur.

La MEAVN repose sur un organigramme simple décomposé en quatre divisions, chacune étant chargée de la programmation de la ville nouvelle, de l’urbanisme, des infrastructures et de l’administration. Elle dispose de moyens financiers importants assurés par l’Etat ainsi que d’un personnel qualifié 451 . Enfin, elle est fortement indépendante des intérêts locaux et des « querelles de clocher » du fait de son « parachutage » sur le lieu de mission. Elle bénéficie dès lors d’une grande liberté de manœuvre portée par une idéologie entièrement tournée vers l’innovation. Cela détermine en partie un comportement qui privilégie l’efficacité à tout prix.

D’ailleurs, les méthodes de travail à l’intérieur de la MEAVN sont à l’image de la souplesse de cet organisme. Pour le directeur de la Mission, « seul le résultat compte, chacun restant libre d’organiser son travail comme il l’entend. Les moyens à mettre en œuvre pour obtenir les résultats escomptés sont généralement laissés à l’appréciation de chacun, dans la mesure où ceux-ci n’exigent pas des crédits trop considérables » 452 . L’aspect essentiel, qui fait la force d’action de la Mission, est donc la grande souplesse de sa structure.

Il faut signaler que la MEAVN n’a pas de statut juridique : sa reconnaissance ne repose donc que sur la notoriété de son directeur. Ceci peut être un atout pour éviter la « rigidité » et la longueur des démarches administratives qui de fait sont réglées directement par le directeur de la Mission. Mais cette absence de statut juridique devient un inconvénient de taille dans le sens où la mission n’a pas de personnalité morale, et donc ni de budget, ni de personnel propre.

Le budget de la Mission est notamment géré par le Service Régional de l’Equipement. Pour parer à l’absence d’autonomie financière, le Ministère des finances a par ailleurs « individualisé » les programmes de la ville nouvelle au sein du programme régional de développement et d’équipement du VIe Plan. C’est donc en ce sens qu’il est important de considérer la MEAVN comme une étape préliminaire avant la mise en place de l’EPIDA. Dès lors que l’aménagement des sols et leur rétrocession à des réalisateurs privés s’engagent, la formule de la Mission d’étude devient inadaptée 453 .

L’EPIDA prend le relais de la MEAVN dès 1972. Créé le 10 janvier 1972 par décret en Conseil d’Etat 454 , il poursuit les études entreprises par la Mission et notamment la conception du SDAU - en liaison avec la Direction Départementale de l’Equipement -, des POS, et des dossiers de ZAC. Il constitue par ailleurs le support opérationnel commun des divers acteurs - publics et/ou privés - impliqués dans l’opération « ville nouvelle », et procède aux acquisitions foncières ainsi qu’à la réalisation des travaux 455 .

  • Les compétences générales de l’EPIDA

L’EPIDA est un organisme d’un type particulier, à caractère industriel et commercial. Cela signifie qu’il possède la personnalité morale et l’autonomie financière. Concernant les compétences attachées à la « personnalité morale », l’établissement est dominé par le « principe de spécialité ». Ce principe signifie que la mission de l’établissement public est limitée à l’objet pour lequel il est créé, en l’occurrence l’aménagement de la ville nouvelle.

Mais il est compétent pour agir dans tous les domaines qui concourent à la réalisation de sa mission. Il peut procéder à toutes les opérations qui sont de nature à faciliter l’aménagement de l’agglomération nouvelle. L’établissement public peut également agir en dehors du périmètre d’action fixé dans le décret prévoyant sa création. Il peut en effet être chargé par l’Etat ou par les collectivités locales, d’acquérir en leur nom et pour leur compte, des immeubles bâtis et non bâtis, au besoin par voie d’expropriation, et d’exercer le droit de préemption. Etant donné qu’il est doté de la personnalité morale, l’établissement public possède un patrimoine. Il est par conséquent habilité à acquérir des immeubles bâtis ou non bâtis dans le cadre de sa mission d’aménagement de la ville nouvelle. Les acquisitions pourront avoir lieu, soit à l’amiable, soit par voie d’expropriation. Les immeubles bâtis ou non bâtis, acquis par l’établissement public peuvent par ailleurs être revendus.

Dans le domaine financier, l’autonomie de l’établissement public se traduit essentiellement par l’existence d’un budget spécial, c’est-à-dire d’un budget à la fois indépendant du budget de l’Etat et de la structure intercommunale, en l’occurrence le syndicat communautaire d’aménagement (SCANIDA). Les ressources de l’établissement public sont d’origines très diverses. Elles se composent tout d’abord des subventions, des avances, des honoraires, des fonds de concours ou des participations, qui lui sont attribuées par l’Etat, les collectivités locales, les établissements publics et sociétés nationales, ainsi que par toute personne publique ou privée intéressée par l’aménagement de la ville nouvelle. L’établissement public peut également bénéficier des subventions accordées par les divers ministères qu’il peut solliciter en lieu et place des collectivités locales intéressées dans le cadre de conventions qui sont passées avec celles-ci. Il dispose par ailleurs du produit des emprunts qu’il est habilité à contracter, du produit de la revente des biens, meubles et immeubles, ainsi que du produit de la gestion des biens entrés temporairement dans son patrimoine. L’établissement public a ainsi toute latitude dans la préparation et l’exécution de son budget.

  • Les compétences particulières attachées aux divers organismes composant l’EPIDA

L’établissement public est tout d’abord administré par un conseil d’administration. De 1972 à 1985, le conseil d’administration comporte quatorze membres : sept membres représentant l’Etat 456 et sept membres représentant les collectivités locales 457  ; le président étant, comme dans les établissements publics d’aménagement des autres villes nouvelles, un représentant des collectivités locales. Il faut souligner ici que la parité entre les membres désignés par l’Etat et ceux des collectivités locales évite surtout que la représentation des collectivités locales au conseil d’administration leur permette une possibilité permanente d’arbitrage.

Suite à la loi du 13 juillet 1983 portant modification du statut des agglomérations nouvelles, le décret du 18 juillet 1985 458 révise celui du 10 janvier 1972 créant l’EPIDA. Le conseil d’administration comporte dès lors cinq membres représentant l’Etat 459  ; une personne qualifiée désignée par le ministre de l’urbanisme, du logement et des transports ; dix représentants des collectivités locales et établissements publics 460  ; les représentants de chacune des communes liées à l’établissement public par une convention de délégation de maîtrise d’ouvrage ; et deux représentants du personnel de l’établissement public. Les élus locaux sont donc majoritaires au sein du conseil d’administration. Par ailleurs, afin de concrétiser le vœu émis par les élus du conseil d’administration demandant son élargissement à des représentants de l’agglomération lyonnaise, le décret du 11 août 1989 461 accorde deux sièges à la communauté urbaine de Lyon et en contrepartie deux sièges supplémentaires aux communes incluses dans l’agglomération nouvelle.

Le conseil d’administration possède un certain nombre de prérogatives dont les plus importantes sont le vote du budget et l’approbation des comptes. Il autorise également les emprunts que doit contracter l’établissement public. Il est donc en principe chargé d’assurer le fonctionnement de l’établissement en fixant, par ses délibérations, les directives générales. Le conseil d’administration peut toutefois déléguer tout ou partie de ses pouvoirs de décision au Directeur de l’établissement 462 . Nommé par un arrêté du ministre de l’Equipement et du Logement, après consultation du Préfet de Région et du Président du conseil d’administration, le directeur est chargé de préparer et d’exécuter les décisions du conseil d’administration 463 .

  • Les contrôles limitant (sommairement) l’autonomie de l’EPIDA

Le contrôle de l’activité de l’établissement est tout d’abord exercé par l’administration préfectorale. Le Préfet de Région et le Préfet de l’Isère ont ainsi accès aux séances du conseil d’administration et y sont entendus chaque fois qu’ils le demandent. Le contrôle économique et financier de l’Etat sur l’établissement public s’exerce ensuite sous l’autorité du Ministre de l’Economie et des Finances par l’intermédiaire d’un contrôleur financier. Le contrôle porte sur l’activité économique et la gestion financière de l’établissement public 464 . Un agent comptable désigné par le Ministre de l’Economie et des Finances, après avis du Préfet de Région, est chargé par ailleurs de la comptabilité de l’établissement public.

  • Le personnel

Durant la période d’élaboration du SDAU de la ville nouvelle (1970-1978), l’établissement public regroupe entre soixante et quatre-vingt-cinq personnes. A l’image de l’équipe de la Mission d’Etude, celle de l’établissement est pluridisciplinaire. Elle englobe des urbanistes, des architectes, des ingénieurs, des techniciens, des juristes, des commerciaux,
des géographes, des sociologues, des cartographes, et des secrétaires administratives.

L’établissement public est organisé de la manière suivante :

  • une structure verticale répartie en quatre divisions qui couvrent les grands secteurs d’activité de l’établissement (programmation de la ville nouvelle, urbanisme, infrastructures et administration) ;
  • une structure horizontale pour la réalisation de projets ou de missions confiés à des responsables d’opérations.
Notes
450.

Voir notamment BRISSY Y. (1974), op. cit.

451.

En 1970, la Mission compte trente-cinq personnes. Il est intéressant de constater qu’elle est pluridisciplinaire. Hormis le directeur qui est polytechnicien et ingénieur des Ponts-et-Chaussées, elle regroupe quatre architectes (dont deux à temps partiel), deux ingénieurs des Travaux Publics de l’Etat, un géologue (et un hydrogéologue
à temps partiel), deux sociologues, deux géographes (dont un chargé des relations publiques), un économiste,
deux spécialistes des problèmes fonciers, un ingénieur de la Direction Départementale de l’Agriculture,
un spécialiste administratif, deux cartographes, deux tireurs de plans, un documentaliste et des secrétaires administratives. Par ailleurs, la Mission recourt largement aux bureaux d’études extérieurs, comme le cabinet Degaud de Grenoble pour l’inventaire du foncier, ou fait procéder par des organismes extérieurs à des études
de marché.

452.

Voir à cet égard, BAUDELLE G. (1984), op. cit. ; BRISSY Y. (1974), op. cit. ; MERLIN P. (1991), op. cit.

453.

Toute opération d’urbanisation s’effectue alors dans le cadre communal (ZUP, ZAC, etc.) avec l’intervention privilégiée des sociétés d’économie mixte. Etant donné la taille du projet (à cheval sur plusieurs communes)
et les sommes en jeu, le Gouvernement a retenu la formule de l’établissement public d’aménagement (EPA) prévu par l’article 78-1 du Code de l’Urbanisme et de l’Habitation. Elle permet en effet d’associer pour une longue période l’Etat et les collectivités locales. Cette formule évite également que la représentation
des collectivités au conseil d’administration leur permette une possibilité permanente d’arbitrage.

454.

Décret n°72-27.

455.

Dans les secteurs d’habitat, l’EPIDA est à l’initiative des ZAC. Il prépare notamment les dossiers de ZAC sous
le contrôle du SCANIDA. Il propose un parti d’aménagement de chaque quartier en cohérence avec le programme général de développement de la ville nouvelle. Il acquiert les terrains, les aménage et cède aux promoteurs les terrains viabilisés sur lesquels sont réalisés les logements. Il assure en outre la promotion d’équipements divers (comme les petits centres commerciaux de quartier). Dans les zones industrielles, les dossiers de ZAC approuvés par le SCANIDA font l’objet d’un aménagement de l’EPIDA, soit directement (cas de « Chesnes la Noirée »),
soit par l’intervention des Chambres de Commerce et d’Industrie de Lyon et de Vienne - La Tour-du-Pin (cas de « Chesnes-Tharabie »). Tous les équipements d’infrastructures (réseau d’eau et d’assainissement, espaces verts)
et les équipements de superstructure (écoles, équipements sociaux, équipements sportifs) sont réalisés par l’EPIDA pour le compte du SCANIDA en vertu de la convention signée à cet effet entre les deux organismes. Enfin,
une convention a été passée entre l’Etat et l’EPIDA pour les acquisitions foncières et la réalisation des grandes voiries primaires de la ville nouvelle.

456.

Deux membres désignés par le ministre de l’équipement et du logement ; deux membres désignés par le ministre de l’économie et des finances ; deux membres désignés par le ministre de l’intérieur ; et, un membre désigné par
le ministre des affaires culturelles.

457.

Deux représentants du département de l’Isère et cinq membres élus par l’assemblée spéciale. Cette assemblée a pour rôle unique d’élire les représentants des communes au conseil d’administration de l’établissement public. Elle est composée de trente neuf membres, répartis comme suit : six représentants de la commune de Bourgoin-Jallieu ; trois représentants de chacune des communes de La Verpillière, de Saint-Quentin-Fallavier et de L’Isle d’Abeau ; deux représentants des communes de Frontonas, Saint-Alban-de-Roche, Saint-Marcel-Bel-Accueil, Vaulx-Milieu, Villefontaine ; un représentant de chacune des quatorze autres communes.

458.

Décret n°85-768.

459.

Deux membres désignés par le ministre de l’urbanisme, du logement et des transports ; deux membres désignés par le ministre de l’économie, des finances et du budget ; un membre désigné par le ministre de l’intérieur et de
la décentralisation.

460.

Le président du conseil régional de la région Rhône-Alpes ou son représentant ; un représentant de la région Rhône-Alpes, désigné en son sein par le conseil régional ; deux représentants du département de l’Isère, désignés en son sein par le conseil général ; le président du syndicat d’agglomération nouvelle ; cinq représentants descommunes incluses dans l’agglomération nouvelle, désignés en son sein par le comité du syndicat d’agglomération nouvelle ; les représentants de chacune des communes liées.

461.

Décret n°89-569.

462.

Cependant, le vote du budget, l’approbation des comptes et l’autorisation d’emprunter, ne peuvent être délégués.

463.

Il sera également chargé de gérer l’établissement, et éventuellement de le représenter en justice. Le directeur a par ailleurs compétence pour passer les contrats, les marchés, les actes d’aliénation, d’acquisition ou de location.
Il a autorité sur les services et recrute le personnel. Il bénéficie en outre des délégations de pouvoir qui lui sont consenties par le conseil d’administration. Il est enfin chargé de l’exécution du budget en tant qu’ordonnateur pour toutes les dépenses contractées par l’établissement public.

464.

Le contrôleur financier doit rendre compte périodiquement de son activité au Ministre de l’Economie et des Finances en lui présentant un rapport annuel qui l’informe de la situation économique et financière de l’établissement public.