4.3. La mise en œuvre du SDAU à partir de 1978 : les grands principes à l’épreuve du pragmatisme et des jeux de pouvoirs

Notre analyse de la mise en oeuvre du SDAU de la ville nouvelle ne consiste pas ici à élaborer un bilan factuel de la réalisation des objectifs. Ce bilan réduirait inévitablement l’analyse à l’explication des différents retards de phasage ; ces derniers pouvant être mis sur le compte du ralentissement du rythme de l’urbanisation, de l’expansion démographique et du freinage de la progression des emplois. Ils ont aussi pour origine le retard apporté à la réalisation d’équipements ou d’infrastructures annoncés, particulièrement pour les options les plus volontaristes proposées par le SDAU. Ces constatations générales rejoignent celles faites pour d’autres agglomérations 514 où on s’est trouvé dans la position d’appliquer des SDAU de croissance devenus des « habits trop larges ». L’ensemble de ces retards souligne à l’évidence combien une démarche volontariste fondée sur une analyse et des principes rationnels demeure insuffisante non seulement pour maîtriser ou initier la croissance urbaine au profit d’aires de développement prioritaires, mais aussi pour peser significativement sur les rapports de forces politiques, économiques, sociaux et institutionnels. Ce constat fait, est-on pour autant quitte de l’analyse de la mise en œuvre du SDAU ?

Le processus de mise en œuvre du SDAU pose en réalité la question plus générale de l’articulation entre action publique urbaine et territoire. Ce processus dévoile tout d’abord les rapports entre l’Etat et les pouvoirs locaux, et notamment les prises de position de ces derniers contre le projet de ville nouvelle, les documents de planification et les outils de réalisation.

Il fait ensuite ressurgir des questions relatives à la constitution d’un gouvernement local (Quelle est l’assise territoriale du gouvernement intercommunal ? Quelle est la cohérence territoriale de son action, en particulier dans le domaine de l’aménagement et de la planification ?) et à l’organisation de scènes de gouvernement et de négociation.

Dans cette perspective, notre analyse de la mise en œuvre du SDAU porte à la fois sur les interactions entre les acteurs impliqués (i.e. les interactions entre les acteurs politico-administratifs, mais aussi avec les acteurs « affectés » par l’action publique) et sur leurs stratégies et comportements par rapport aux actions et mesures permettant d’atteindre les objectifs prévus dans le SDAU. Nous analysons à cet égard les instruments d’intervention privilégiés et les marges de manœuvre laissées au système de mise en œuvre pour préciser les objectifs du SDAU et les mesures permettant de les atteindre.

Nous avons vu dans la partie précédente que les arrangements spécifiques en action lors de la conception du SDAU avaient un degré de coordination horizontale et verticale relativement élevé et qu’ils étaient fermés aux acteurs sociaux. Il en est toujours de même lors de la mise en œuvre, à ceci près que 1/ l’Etat et l’EPIDA ont recours à des stratégies de négociation encadréeafin d’aboutir à un consensus avec les collectivités locales pour préserver et atteindre les objectifs du SDAU, et que 2/ les collectivités locales ont mobilisé à plusieurs reprises leurs droits de recourspour faire valoir leurs intérêts (jeu direct sur le contenu substantiel du SDAU) et élargir leur marge de liberté (jeu indirect sur le contenu institutionnel).

Notes
514.

Voir à cet égard, GEOFFROY C, HUNTZINGER H., « Les schémas directeurs d’aménagement et d’urbanisme sont-ils condamnés ? » (à partir des études menées sur Strasbourg, Rennes, Le Mans, Montbéliard, Bayonne, Annecy, Saumur), Le Moniteur, février 1982, n°5, pp. 27-28.