Une scène de négociation fortement politisée

Même si les injonctions du GCVN limitent de fait les termes de la négociation avec les collectivités locales, on aurait pu croire que la révision du périmètre d’urbanisation quiprivilégie l’intérêt direct des collectivités à la réalisation de la ville nouvelle 544 pour leur représentation au sein du SCANIDA, et non leur poids démographique comme en 1972, aurait facilité l’aboutissement d’un consensus entre l’Etat et les collectivités locales. Mais cette mesure n’a pas eu l’effet escompté par l’Administration. La scène de négociation a fait au contraire ressurgir l’opposition radicale des communes à la ville nouvelle et en particulier aux objectifs et prévisions du SDAU, dont on rappelle qu’il n’est pas remis en cause par l’Administration dans la mesure où elle vient tout juste de l’adopter…

Comme en 1972, le principe même de ville nouvelle fait l’objet d’une forte opposition des communes rurales. On retrouve essentiellement dans les demandes de retrait formulées par les communes, notamment celles des « Plateaux Nord », la permanence de la crainte de l’urbanisation. En revanche, si en 1970 les oppositions sont fédérées au sein d’une association, l’Union pour la Défense de l’Autonomie Communale (UDAC) 545 , elles s’expriment en 1978 par la voix des partis politiques traditionnels hostiles à la loi Boscher. Le changement de majorité politique au sein du conseil général de l’Isère, du SCANIDA, et des municipalités favorise au final les prises de position pour le retrait des communes de la ville nouvelle. Parmi les communes dont le maintien est prévu, seule Villefontaine accepte la révision du périmètre et son intégration totale 546 .

L’examen des délibérations des conseils municipaux des vingt et une communes concernées par la révision du périmètre du SCANIDA fait apparaître deux groupes :

Il convient toutefois de nuancer et de préciser ce classement, car si la plupart des élus souhaitent que le périmètre d’urbanisation soit modifié, et par la même occasion la composition du SCANIDA, ce n’est pas forcément pour les mêmes raisons.

1) Les onze communes des « Plateaux Nord »

Il apparaît normal que les conseils municipaux de la zone Nord se montrent, sans restriction et sans exception, entièrement favorables au projet. En effet, c’est en grande partie pour remédier aux difficultés résultant de l’inclusion de ces communes dans le SCANIDA que la modification du périmètre est envisagée. N’étant pas concernées par l’urbanisation avant de nombreuses années, ces collectivités rurales prétendent légitimement retrouver leur responsabilité en matière d’administration territoriale.

2) Les communes des « Plateaux Sud »

A l’inverse des « Plateaux Nord », les délibérations des conseils municipaux sont pour la plupart précédées de considérations longues et détaillées sur la réduction des objectifs quantitatifs de la ville nouvelle 547 . Il faut noter également dans les « considérant » les critiques formulées à l’encontre de la loi Boscher 548 qui ne permet pas selon les communes « une représentation équitable des populations concernées » et qui « porte atteinte au principe d’autonomie communale en conférant un pouvoir exorbitant à l’Etat et ses représentants » 549 . Enfin la révision du SDAU est notamment réclamée par les communes de Four, Roche, Vaulx-Milieu et Saint-Alban-de-Roche qui ont intenté un recours en Conseil d’Etat contre la DUP du deuxième quartier d’habitation de la ville nouvelle et contre le décret du 10 mars 1978 approuvant le SDAU de la ville nouvelle.

En ce qui concerne la question principale, c’est-à-dire la définition d’un nouveau périmètre d’agglomération nouvelle, des divergences sensibles existent entre le projet proposé par l’Administration et la volonté exprimée par six communes des « Plateaux Sud ». C’est notamment à l’Est que le tracé du nouveau périmètre ne rencontre pas l’adhésion des communes (Saint-Alban-de-Roche, Roche, Vaulx-Milieu, Four et Bourgoin-Jallieu – carte n°10, p. 278) :

En définitive, le GCVN accepte le retrait de treize communes. Il en subsiste huit jusqu’en 1984 : Grenay, L’Isle d’Abeau, Four, Roche, Saint-Alban-de-Roche, Saint-Quentin-Fallavier, Vaulx-Milieu, Villefontaine (voir carte n°10, page suivante). En dehors des onze communes des « Plateaux Nord », l’Administration ne s’oppose pas au retrait de Bourgoin-Jallieu (l’EPIDA restant propriétaire de la ZAC de La Maladière) ni à celui de Domarin (dont l’appartenance à la ville nouvelle n’est justifiée que par l’implantation de l’usine « Telax » située sur un terrain acheté et aménagé à l’époque par la MEAVN). Hormis Villefontaine qui a accepté la révision du périmètre d’urbanisation et son intégration totale, l’Administration refuse le retrait des autres communes au motif qu’elles sont concernées directement par l’urbanisation à court terme de la ville nouvelle.

Notes
544.

Importance du territoire concerné, de la population comprise dans le périmètre aggloméré, etc.

545.

qui deviendra par la suite L’Association des Elus face à la Ville Nouvelle.

546.

Avec L’Isle d’Abeau et Saint-Quentin-Fallavier, Villefontaine est la commune qui a été la plus urbanisée.
L’Isle d’Abeau accepte sous réserves la modification telle qu’elle est proposée. En revanche, Saint-Quentin-Fallavier refuse de se prononcer sur le fond et demande son retrait dans l’attente d’une modification de la Loi Boscher.

547.

Certaines communes constatent :

d’une part, que les objectifs prévus pour l’agglomération nouvelle aux sixième et septième Plan n’ont pas été atteints et que les objectifs et prévisions du SDAU ne se réaliseront pas ;

d’autre part, que le rythme de développement de l’agglomération nouvelle n’atteindra vraisemblablement pas le niveau qui lui a été fixé tant en matière de logements que d’emplois et qu’il convient, en conséquence, de réviser les objectifs définis antérieurement en matière d’urbanisation.

548.

Selon les élus locaux, la Loi Boscher porte « atteinte aux principes fondamentaux des libertés locales ». Muselant les compétences des communes, les privant notamment de la perception des quatre taxes, le texte de 1970 est accusé de limiter le pouvoir des élus municipaux dans les Zones d’Agglomération Nouvelle (ZAN), placées sous la responsabilité directe du syndicat communautaire et de l’établissement public. Sont notamment de la compétence du syndicat communautaire en ZAN et hors ZAN tous les pouvoirs d’urbanisme, d’aménagement, d’investissements, de gestion de services à caractère intercommunal (incendie, ordures ménagères, assainissement, eau potable). L’instruction et le cas échéant la délivrance du permis de construire relèvent en particulier de la compétence du Président du syndicat communautaire d’aménagement (ainsi que la police de la circulation et du stationnement). Une « sensation de dessaisissement » en découle, aggravée par le développement urbanistique important de la ville nouvelle, mais également par un traitement fiscal inégal entre les habitants des ZAN et des « hors ZAN » (correspondant généralement aux villages). Dans de telles conditions, « l’adoption des décisions successives conduisant au lancement des opérations de construction s’apparente plus à une succession d’étapes tactiques qu’à une véritable programmation d’urbanisme ».

549.

Hormis Four et Vaulx-Milieu, on retrouve surtout les conseils municipaux à majorité de gauche :
Bourgoin-Jallieu, L’Isle d’Abeau, Roche et Saint-Quentin-Fallavier. Cette dernière demande d’ailleurs à se retirer du SCANIDA « dans l’attente d’une modification de la Loi Boscher » (11 voix contre 10).

550.

Le Conseil Municipal de Bourgoin-Jallieu a notamment pris position contre l’avis du Maire, P. Oudot, partisan du maintien de la ville dans le SCANIDA.