Conclusion : Les caractéristiques du réseau d’acteurs impliqués dans la mise en oeuvre du SDAU : des arrangements politico-administratifs fortement centralisés et fermés aux acteurs sociaux

Le réseau d’acteurs impliqués dans la phase de mise en œuvre du SDAU est à l’évidence identique à celui impliqué dans la phase de conception. Nous ne reviendrons donc pas sur l’ensemble des caractéristiques qui ont été développées car elles peuvent aisément être reprises ici.

En revanche, nous insistons sur le fait que la mise en œuvre du SDAU fait l’objet d’une activité interne à un seul acteur, l’EPIDA 558 . Cette activité de mise en œuvre est donc très peu ouverte à l’ensemble des acteurs publics concernés, et en particulier aux collectivités locales englobées dans le périmètre d’urbanisation de la ville nouvelle ; les groupes sociaux et acteurs privés étant quant à eux totalement écartés.

Malgré la souplesse du schéma qui ouvre quelque peu le « jeu » aux collectivités locales en autorisant quelques latitudes pour l’interprétation de la compatibilité des opérations d’aménagement, l’insuffisance d’ouverture du processus de mise en oeuvre a contribué à fragiliser la réalisation des objectifs. A cet égard, la réduction à deux reprises du périmètre d’urbanisation de la ville nouvelle peut certainement s’expliquer par cette insuffisance d’ouverture.

Il faut rappeler ici que la mise en œuvre du projet de ville nouvelle n’avait pour seule légitimation que les dimensions et la complexité d’un programme nécessaire à l’aménagement de « l’aire urbaine lyonnaise ». Or, le conseil régional, le conseil général du Rhône et plus encore la Communauté urbaine de Lyon (COURLY) n’ont pas été pleinement impliqués dans le processus de mise en œuvre. A cet égard, l’ouverture duConseil d’administration de l’EPIDA au Conseil régional en 1985 559 et à la COURLY en 1989 560 n’est pas suffisante et n’a pas eu les effets d’entraînement escomptés 561 . Il faut dire qu’avec seulement deux sièges chacun, l’influence de ces deux assemblées est plus que limitée, ce qui ne leur permet pas, à l’évidence, de devenir véritablement acteurs du projet 562 .

Par ailleurs, lors du processus de mise en oeuvre du SDAU, l’EPIDA monopolise l’ensemble des ressources disponibles. Surtout le maintien de ses prérogatives sur un périmètre inchangé, malgré les deux réductions successives de la zone d’agglomération nouvelle, et le contrôle des réserves foncières de l’Etat ont contribué à sauvegarder l’édifice du SDAU. D’une certaine manière, le contrôle par le GCVN et l’EPIDA des ressources juridique, patrimoniale et cognitive (à laquelle on associe ici la ressource « humaine ») ont permis de pallier les insuffisances et l’instabilité du système de régulation intercommunale qui aurait dû incarner et « prendre en charge » l’ensemble du projet.

Notes
558.

A la différence d’autres territoires où la mise en œuvre repose essentiellement sur deux instances :

les collectivités locales dont le rôle (plus ou moins bien rempli) est d’endosser la responsabilité politique des actions d’aménagement ;

les administrations de l’Etat (niveau central ou niveau départemental) qui assurent l’application des lois ou, plus précisément, de l’instrumentation juridique réglementaire et financière codifiant la production du cadre bâti.

L’initiative des opérations d’aménagement peut provenir de l’une ou l’autre de ces instances, mais le projet,
de la conception à la réalisation, implique une négociation permanente de ces deux principaux partenaires dans le cadre d’une instrumentation pour l’essentiel prédéterminée.

559.

Décret n°85-766 du 18 juillet 1985 : le Conseil régional est représenté au conseil d’administration de l’EPIDA par le Président (ou son représentant) et par un représentant désigné.

560.

Décret n°89-569 du 11 août 1989 : deux représentants de la COURLY siègent au conseil d’administration
de l’EPIDA.

561.

Il nous faut souligner ici les difficultés liées au fait que L’Isle d’Abeau soit entièrement dans le département
de l’Isère, alors que ses objectifs sont liés au développement du Grand Lyon. S’y ajoutent les positions hostiles prises à l’origine par L. Pradel, Maire de Lyon, ce qui explique en partie la réserve constante dont ont fait preuve les principaux élus lyonnais à l’égard de la ville nouvelle.

562.

Conscient du manque de soutien des instances régionale, départementale et lyonnaise, et de la carence des groupes « cibles » ou des groupes concernés par les objectifs prévus dans le SDAU, le directeur général de l’EPIDA (J.-P. Paufique) propose déjà dans une lettre adressée le 9 avril 1979 au Secrétaire général du GCVN (J.-E. Roullier) « d’articuler l’intervention de l’Etablissement public de façon plus organique avec le SDAU, l’agglomération mère, la région et le monde économique. C’est ainsi qu’on propose que le SCA, la COURLY
ou le Département du Rhône, l’Etablissement public régional, le Ministère de l’Industrie ou la DATAR,
soient membres de droit du Conseil d’administration. Une autre solution intéressante consisterait à faire apparaître un troisième tiers, de personnalités économiques et d’experts ».