L’équipe d’études ou la permanence d’un même producteur : l’EPIDA

Une des orientations du rapport « L’Isle d’Abeau 2015 », approuvée par le CIADT du 26 novembre 1998, consistait notamment à transformer l’EPIDA « en une structure plus locale pouvant regrouper plusieurs fonctions, et notamment celles d’agence d’urbanisme, d’agence de développement et d’opérateur aménageur » 627 . Dans cette perspective, le Conseil Général de l’Isère ayant des enjeux spécifiques en matière d’aménagement sur le territoire élargi de la ville nouvelle et souhaitant annihiler toute possibilité d’intégration de ce territoire dans le département du Rhône et le Grand Lyon 628 , décide de participer financièrement à la transformation de l’EPIDA en un outil au service des collectivités locales. De son côté, l’EPIDA avait fait le diagnostic que le Conseil Général de l’Isère était un acteur majeur pour son avenir. Il décidait donc une action de propositions et de lobbying auprès du Conseil Général.

Au final, la conjonction de ces deux démarches s’est concrétisée par la signature d’un premier contrat d’objectifs le 30 septembre 1999 entre le Conseil Général de l’Isère et l’EPIDA. L’objet de ce contrat est de préciser, d’une part, la nature des interventions de l’EPIDA, et, d’autre part, les modalités de réalisation et de financement des missions correspondantes. Ces missions concernent principalement :

Cette première convention démontre à l’évidence que le transfert des responsabilités de l’Etat vers les collectivités locales est quelque peu illusoire. D’une part, l’EPCI, ou tout au moins la structure de préfiguration (i.e. le SATIN), ne fait pas partie des signataires puisqu’il n’est pas encore mis en place 629 . La programmation et la conduite des premières études préalables à l’élaboration du projet de territoire lui échappent donc complètement. A partir de là, les collectivités locales peuvent ne pas se reconnaître dans les objectifs et enjeux définis par l’EPIDA et le Conseil Général de l’Isère, car ils leur sont pour la plupart exogènes. Privées de tout pouvoir d’orienter la politique publique, il leur est en effet d’autant plus difficile de l’incarner.

D’autre part, si le Conseil Général de l’Isère est mobilisé pour impulser la démarche d’évolution de l’EPIDA, c’est dans un contexte avant tout balisé et défini par l’Etat 630 . Enfin, on aurait pu penser que l’implication des collectivités territoriales, tant en matière de responsabilités que de financements, dans le fonctionnement de l’EPIDA aurait engendré une modification de ses statuts ou un renforcement de leur présence au sein de son conseil d’administration. En fait la convention d’objectifs pluriannuelle ne fait aucunement évoluer les responsabilités respectives de l’Etat et des collectivités. Elle confirme au contraire les prérogatives de l’EPIDA :

La deuxième convention signée le 4 octobre 2000 fait apparaître aux cotés du Conseil Général de l’Isère, le SATIN. Par rapport à la convention précédente, elle met davantage l’accent sur le rôle « d’agence d’urbanisme » que doit jouer l’EPIDA pour conseiller les collectivités territoriales et l’Etat en matière d’études, de stratégies territoriales, d’élaboration de projets ou de planification (sur le périmètre du SATIN). Les missions confiées à l’EPIDA peuvent être classées selon trois catégories :

Il faut souligner ici que l’intervention du même expert (i.e. l’EPIDA) pour l’élaboration du SDAU de la ville nouvelle et du projet de territoire Nord-Isère a clairement favorisé l’utilisation de figures et de représentations identiques entre ces deux plans d’action.

La permanence de ce même producteur, qui est avant tout l’aménageur de la ville nouvelle, a notamment contribué à pérenniser le discours qui fonde et justifie sa création : être un territoire majeur du développement régional, au service d’une gestion économe de l’espace et d’une recherche de nouvelles centralités. Le projet de territoire Nord-Isère rappelle d’ailleurs dans deux de ses chapitres le rôle de la ville nouvelle dans la structuration du développement régional 634 . Ainsi le projet de territoire apparaît-il comme le support du débat local et régional sur le sens du territoire de la ville nouvelle. D’une certaine façon, l’outil de la redécouverte des formes de sa singularité.

Il faut signaler par ailleurs que l’EPIDA a pour fonction de faire accepter cette représentation territoriale 635 . D’une certaine manière, la valeur des analyses effectuées par l’établissement public, dans le cadre du projet de territoire, ne tient pas à leur recherche de la vérité mais davantage à leur plausibilité et à leur capacité à entrer en résonance avec les analyses construites par l’ensemble des acteurs du SATIN, qu’il s’agisse des décideurs politiques, des responsables de la société civile ou des simples citoyens. Il en va d’ailleurs de la survie de l’EPIDA dans le contexte de la fin du statut d’Opération d’Intérêt National (OIN) de la ville nouvelle.

Etant marqué par l’image de « bras séculier » de l’Etat, il doit en effet changer de culture pour renouer un dialogue « équilibré » avec les collectivités locales ; ceci d’autant plus qu’elles seront rassemblées dans une communauté d’agglomération à plus ou moins long terme et qu’elles auront besoin d’un tel outil pour leur développement. La réalisation du projet de territoire, élaboré « conjointement » avec les élus, a dès lors valeur de test pour la reconversion progressive de l’EPIDA qui sera au service des collectivités locales et sous leur entière responsabilité. Le projet de territoire Nord-Isère s’apparente ainsi à un projet d’entreprise. Dans ces conditions, les figures et les représentations ne seraient-elles pas permanentes parce qu’elles contiendraient les éléments d’un consensus le plus large entre les acteurs ? Cette hypothèse amène une autre interrogation : la permanence de ces concepts ne constitue-t-elle pas au final un référentiel a minima ?

Notes
627.

Relevé de décisions de la réunion interministérielle du 26 novembre 1998, p. 2.

628.

La modification de la limite départementale en 1967 avait notamment eu pour conséquence d’intégrer
vingt-quatre communes de l’Est et du Sud lyonnais dans le département du Rhône, et notamment Feyzin, une commune importante en terme de taxe professionnelle (industries pétro-chimiques), et Colombier-Saugnieu sur laquelle sera implantée l’aéroport de Lyon-Satolas, devenu Lyon-Saint Exupéry. Voir à cet égard RABILLOUD S., La Ville Nouvelle de L’Isle d’Abeau : développement économique et enjeux politiques, Université Lumière Lyon 2, Maîtrise de Géographie, 1998, 174 p. ; RABILLOUD S., Le « Nord-Isère », entre représentations territoriales et systèmes d’acteurs. Exemple d’une production politique du territoire, Université Lumière Lyon 2,
Institut d’Urbanisme de Lyon, DEA de Géographie, mention Aménagement et Urbanisme, 1999, 114 p.

629.

Celui-ci est en effet créé le 28 octobre 1999.

630.

Relevé de décisions de la réunion interministérielle du 26 novembre 1998, p. 2. « Sous la conduite du Groupe Central des Grandes Opérations d’Urbanisme, le Préfet de l’Isère recevra mandat d’engager, avec les collectivités locales concernées, les négociations conduisant à transformer l’EPIDA en une structure locale pouvant regrouper plusieurs fonctions, et notamment celles d’agence d’urbanisme, d’agence de développement et d’opérateur aménageur. Dans cet esprit, et sans attendre, le Préfet de l’Isère apportera son appui à la mise
en place de nouveaux partenariats financiers, notamment avec le Conseil Général de l’Isère ».

631.

La mission de l’EPIDA, en collaboration avec les services de l’Etat, consiste ici à assurer l’organisation et
le suivi général du dispositif par l’animation des réunions nécessaires au dialogue entre les différents acteurs concernés et par la production d’études permettant de formaliser les futures instances de coopération intercommunale.

632.

Au titre de l’aide à la définition du projet de territoire, l’EPIDA a fait réaliser une série d’études thématiques sur les équipements et les services, le développement de la logistique, la culture, l’urbanisme et le paysage.
Un atlas socio-économique du Nord-Isère a également été réalisé.

633.

Cela s’est notamment traduit par la mise en œuvre d’un système d’information géographique regroupant pour une trentaine de communes des données cartographiques (IGN BD-Carto, IGN BD-Topo, IGN Géoroutes, orthophotoplan) et statistiques (INSEE, DRE, DGI).

634.

Voir notamment le deuxième chapitre (« Le territoire Nord-Isère a la chance d’être le troisième pôle de l’aire métropolitaine lyonnaise », pp. 16-17), et le quatrième (« La volonté politique d’un projet pour le territoire
Nord-Isère, pp. 22-49).

635.

Ceci dans le but d’amorcer la structuration institutionnelle du territoire Nord-Isère. Convention d’objectifs pluriannuel entre le Conseil Général de l’Isère, le SATIN et l’EPIDA, 4 octobre 2000, p. 6.