La prépondérance des aspects locaux et spatiaux

Enfin, le caractère formel et parfois réducteur du projet de territoire Nord-Isère résulte aussi de la prise en compte prépondérante des aspects locaux et spatiaux 659 au détriment d’orientations plus globales. En privilégiant les aspects qui concernent directement les communes 660 , et en particulier les impacts possibles sur leurs propres projets, voire carrément sur leur PLU/POS, le projet de territoire a contribué à éviter ou à reporter la prise en compte de sujets hautement conflictuels tels que l’implantation des urbanisations futures (quantités, rythme), la répartition des logements sociaux 661 , et la localisation des fonctions dites « d’agglomération », en particulier la localisation des équipements commerciaux et culturels 662 .Mais la logique d’évitement ou d’apaisement des conflits et celle de plus petit dénominateur commun ont surtout contribué à mettre au second plan celles de l’intérêt commun et desprojets mobilisateurs collectifs, renforçant par là le caractère réducteur du projet.

L’impératif du développement contraint par ailleurs à afficher des projets immédiats ou rapprochés (moyen terme), spécifiques, localisés, et qui doivent de surcroît remplir des conditions de cohérence, de globalité et d’efficience 663 . Ces projets sont riches de précisions quantifiées mais ils apparaissent à maintes reprises comme flottants dans la mesure où ils oscillent en permanence entre la volonté de privilégier les intérêts des communes et ceux du territoire global ; l’objectif étant par ce procédé d’aboutir à des compromis territoriaux entre l’intercommunalité (future) et les communes. Ainsi, en majorant exclusivement les aspects spatiaux, le projet de territoire Nord-Isère apparaît-il très réducteur et formel, et ce dès les premières phases de réflexion menées entre mai et juillet 2002 664 .

Pour toutes ces raisons, le rôle des élus face aux propositions des techniciens de l’EPIDA ne peut être qu’assez formel. L’analyse des comptes rendus du groupe de pilotage du SATIN 665 qui a conduit la réalisation du projet de territoire fait apparaître que les élus n’ont guère contesté les grands principes d’organisation du développement spatial. De même, les stratégies de développement économique (i.e. les pôles d’excellence « logistique » et « matériaux ») et de développement des fonctions métropolitaines (i.e. le pôle de formation supérieure et le pôle « santé-sport-nature » découlant directement des prescriptions de la DTA) se sont pas ouvertement contestées dans cette instance, bien qu’elles ne soient pas toutes agréées par les élus, et en particulier deux d’entre elles : les pôles d’excellence « logistique » et « matériaux » 666 .

Les réticences les plus importantes ont porté sur la localisation des « sites potentiels pour les extensions urbaines » 667 (carte n°17, p. 333) et dans une moindre mesure sur la protection de l’agriculture. Les élus du SATIN ont d’ailleurs adopté les grandes orientations du projet de territoire Nord-Isère le 19 juin 2003, hors le chapitre habitat 668 .

Notes
659.

A titre d’exemple, la stratégie de développement économique vise uniquement à renforcer l’attractivité du territoire.

660.

Les chapitres 4.4. (« La mise en œuvre d’une organisation territoriale respectueuse des identités du Nord-Isère : La ville archipel ») et 4.6 (« Le renforcement de la « ville nature » au service d’une qualité de vie pour tous »)
du projet de territoire sont à ce titre particulièrement révélateurs (Projet de territoire Nord-Isère (Version n°10),
pp. 34-37 et pp. 44-49). Ils reprennent notamment l’ensemble des projets phares des communes (comme l’accueil du pôle médical d’agglomération à Bourgoin-Jallieu, l’accueil du pôle de formation supérieure et des services d’accompagnement à L’Isle d’Abeau, l’accueil d’un complexe culturel à Villefontaine, ou encore le développement des projets de loisir de plein air, sport et détente à Four et Vaulx-Milieu, etc.).

661.

Projet de territoire Nord-Isère (Version n°10), pp. 28-32. Afin d’étudier plus précisément le sujet de l’implantation des urbanisations futures, l’EPIDA a proposé aux élus du SATIN de mettre en place dès
l’automne 2004 une instance de réflexion et de concertation complémentaire, la « Conférence de l’habitat ».
Cette idée sera reprise dans le projet de territoire qui en énonce les grands principes : « Les travaux de la Conférence de l’habitat viseront à aboutir, au cours de l’année 2004, à une solution concertée répondant aux enjeux globaux d’accueil de l’habitat nouveau à échéance de dix ans, ceci incluant les orientations, d’une part pour la localisation de l’habitat futur avec l’identification d’une ou de plusieurs zones nouvelles à ouvrir à l’urbanisation, d’autre part pour la quantité et la nature de ces logements nouveaux. L’ensemble sera situé dans la perspective générale de maîtriser la pression foncière, de prendre en compte les contraintes de chaque commune et de s’inscrire dans les principes de forme urbaine adoptés par le territoire (cf. le chapitre 4.4 consacré à la « Ville archipel ») ».

662.

Projet de territoire Nord-Isère (Version n°10), pp. 34-37. Comme pour le sujet de l’habitat, le projet de territoire évite de spécifier la localisation future des équipements et services d’agglomération (centre commercial, structure hôtelière, équipement multifonctionnel (stade, salle de spectacle…), complexe culturel, etc.). Il évoque tout au plus quelques grands principes d’organisation spatiale (« affirmer la vocation et la complémentarité des quatre pôles majeurs » ; « articuler les fonctions d’agglomération et les fonctions de niveau intermédiaire des pôles secondaires et développer les systèmes de fonctionnement en réseau d’agglomération pour tous les services urbains »)
et propose d’établir ultérieurement « une charte des équipements et des services d’agglomération pour servir de cadre aux implantations futures sur chacun des pôles ».

663.

C’est le cas par exemple des projets de développement économique comme les pôles d’excellence « logistique » et « matériaux » (Projet de territoire Nord-Isère (Version n°10), pp. 23-24) ou des projets de développement des fonctions dites métropolitaines, comme le renforcement d’un pôle de formation supérieure ou la création d’un pôle « santé-sport-nature » (Projet de territoire Nord-Isère (Version n°10), pp. 25-26).

664.

Cette phase de réflexion s’est essentiellement appuyée sur les éléments disponibles de connaissance du territoire (diagnostics territoriaux, études thématiques, analyses stratégiques prospectives). Elle s’est conclue le 4 juillet 2002 par un premier séminaire des élus du SATIN, avec pour compte rendu le cahier de l’agglomération Nord-Isère n°4 intitulé « Propos d’étape, paroles d’acteurs » et publié en septembre 2002. Ce cahier présente notamment les premiers enjeux validés (i.e. « conserver les dynamiques démographiques à l’œuvre et anticiper l’arrivée possible de 20 000 habitants supplémentaires » ; « mettre en œuvre un modèle de développement urbain qui tienne compte du caractère multipolaire du territoire » ; « renforcer la vocation universitaire du territoire » ; « élargir le périmètre de réflexion et de coopération en matière d’organisation des transports et des déplacements », etc.) de même que les points laissés en suspens comme ceux de la localisation des 10 000 résidences principales à construire et de la programmation des équipements et fonctions d’agglomération.

665.

Ces comptes rendus sont tous rédigés par un technicien de l’EPIDA.

666.

Nous nous appuyons ici sur les comptes rendus d’entretiens conduits en janvier et février 2003 par les techniciens de l’EPIDA avec chacun des maires des vingt-sept communes du SATIN. Les questionnements portaient notamment sur :

la vision des élus concernant l’avenir du Nord-Isère,

l’avenir de leur commune dans le Nord-Isère,

leurs attentes en matière de cohérence de l’action publique,

les projets sur lesquels l’apport d’un contrat d’agglomération pourrait être déterminant.

La mise en commun des points de vue de chaque maire a ensuite été réalisée dans trois groupes de travail
fin mars 2003. Ces groupes avaient pour objet de confronter les attentes et les projets des élus entre eux et ensuite de les croiser avec les expertises réalisées par l’EPIDA ou par des bureaux d’études externes comme l’INSEE.

667.

Projet de territoire Nord-Isère (Version n°4), mai 2003, p. 27.

668.

Délibération du SATIN, 19 juin 2003, p. 2. (« Le comité syndical accepte les grandes orientations de ce projet de territoire hors les pages 27 à 30 du document ci-joint qui concernent les lieux d’implantation des urbanisations futures, sujet essentiel qui demande une réflexion et une concertation complémentaires »). Présents : 44 ; Abstentions : 1 ; Votants : 43 ; Pour : 43.