5.2.2.3. Les modifications demandées par les élus

L’ultime rédaction du projet de territoire en 2003-2004 pour tenir compte des avis du SATIN et des communes concernées s’est effectuée dans une quasi-indifférence car les élus communaux étaient alors occupés par la mise en place simultanée de l’intercommunalité. Celle-ci a fait alors passer l’initiative aux élus locaux et a privilégié l’organisation de stratégies la plupart du temps défensives au détriment de la démarche de projet ; elle a été l’occasion d’affiner les orientations du projet de territoire mais aussi de révéler certainescontraintes pas toujours acceptées par des élus qui craignent avant tout d’aliéner leur autonomie. La plupart d’entre eux, en soulignant le formalisme du projet de territoire ont déjà pris leurs distances avec ce document : ils ne l’envisagent pas comme un projet d’agglomération au sens propre du terme si bien qu’il est en partie déconnecté de tout fonctionnement d’intercommunalité 669 .

Après la présentation du projet de territoire en séminaire des élus du SATIN le 17 mai 2003, deux délibérations ont été proposées aux communes et aux groupements de communes concernés (i.e. le SAN de L’Isle d’Abeau et la Communauté de Communes du Val d’Agny) : la première concerne l’approbation du projet de territoire ; la seconde, l’adhésion au principe de la mise en œuvre d’une communauté d’agglomération. Concernant le projet de territoire, douze communes ont pris position sur les vingt sept concernées. Trois ont rejeté le projet et se sont prononcées pour leur retrait du SATIN (Panossas, Roche et Bonnefamille). Leur refus est clairement motivé par la crainte d’être englobée dans le périmètre de la communauté d’agglomération en cours de constitution. Cinq communes ont approuvé le projet de territoire avec des réserves, notamment sur le chapitre relatif à la question de l’habitat (Meyrié, Nivolas-Vermelle, Saint-Savin, Vaulx-Milieu, Villefontaine). C’est également la position du SATIN, du SAN et de la Communauté de Communes du Val d’Agny. Enfin, quatre communes l’ont approuvé sans réserve (Bourgoin-Jallieu, Domarin, Saint-Quentin-Fallavier et Satolas-et-Bonce).

Les modifications liées à la question de l’accueil de l’habitat nouveau

Les modifications demandées par les élus sont pour la plupart mineures, hormis celles concernant le chapitre « Habitat », et en particulier la carte des « sites potentiels pour les extensions urbaines » 670 (voir carte n°17, page suivante). C’est sur ce sujet que les concessions aux élus ont été les plus importantes. Toutes indications relatives aux « sites potentiels d’extensions urbaines » ont en effet été retirées. Les motifs évoqués par les élus tiennent à la crainte de voir afficher une quantité de logements neufs jugée trop importante sur leur commune 671 , au refus du développement résidentiel (en particulier pour deux communes de la ville nouvelle : Vaulx-Milieu et Four) 672 , ainsi qu’à la crainte assez générale liée à l’accueil de logements sociaux (« nous avons déjà assez donné » pour les communes de Ville Nouvelle ; « nous ne voulons pas de problèmes sociaux » pour certaines communes rurales) 673 . Sous la pression des élus du SATIN et malgré les réticences de la DDE 674 , les techniciens de l’EPIDA ont fini par remplacer la carte des « sites potentiels pour les extensions urbaines » par celle représentant les hypothèses d’accueil de logements nouveaux définies dans les PLH du SAN de L’Isle d’Abeau et du SIVOM des deux cantons de Bourgoin-Jallieu 675 (carte n°18, page suivante). Cette modification conforte les intérêts des communes dans la mesure où le PLH du SAN réalisé en 2001 affiche des orientations volontairement malthusianistes et bien en deçà des hypothèses formulées par les techniciens de l’EPIDA, tout comme les scénarii tendanciels présentés par le PLH du SIVOM en cours de révision en 2003 676 .

Carte n°17 : Les sites potentiels pour les extensions urbaines : un scénario non retenu par les élus du SATIN
Carte n°17 : Les sites potentiels pour les extensions urbaines : un scénario non retenu par les élus du SATIN

Source : Projet de territoire Nord-Isère, Version n°4, 2003

Carte n°18 : Les hypothèses de développement résidentiel retenues par les élus du SATIN : un scénario minimaliste
Carte n°18 : Les hypothèses de développement résidentiel retenues par les élus du SATIN : un scénario minimaliste

Source : Projet de territoire Nord-Isère, version n°10, 2004

La prise en compte des orientations définies dans les deux PLH renforce ici le formalisme du projet de territoire : il apparaît davantage comme une démarche précautionneuse, qui ménage plus qu’elle aménage. D’ailleurs, en proposant dans sa dernière version publiée en juin 2004 de mettre en place ultérieurement une « Conférence de l’habitat » 677 pour étudier la problématique de l’implantation des urbanisations futures, le projet de territoire ne fait que reporter un débat ouvertement conflictuel sur une autre scène. De même, le choix d’un titre plus abscons pour le chapitre portant sur la question de l’habitat (« La promotion d’une cohésion sociale et territoriale : le développement résidentiel et la sécurité » au lieu de « L’accueil de l’habitat nouveau » de la version présentée aux élus du SATIN le 17 mai 2003) offre l’avantage de contenir les débats et de maintenir les équilibres d’intérêts, sans remettre en cause les orientations ayant déjà fait l’objet d’un accord 678 .

En définitive, l’ensemble de ces modifications vise non seulement à apaiser les différends entre les communes sur l’accueil de logements nouveaux et en particulier de logements sociaux, mais aussi à éviter tout conflit d’intérêts entre ces dernières et l’EPIDA, dont nous rappelons qu’elles le perçoivent avant tout comme un « vendeur de biens » 679 dans la mesure où ses recettes proviennent essentiellement de la vente de terrains aménagés.

Notes
669.

Les comptes rendus du comité de pilotage du SATIN (et en particulier ceux des 23 juillet et 11 septembre 2003) sont à cet égard particulièrement révélateurs. Ils indiquent clairement que le projet de territoire « n’est pas élaboré dans la perspective d’un contrat d’agglomération et donc d’une communauté d’agglomération […].
Cette position est celle de la plupart des élus locaux (notamment des deux Vices-Présidents du SATIN, les Maires de Bourgoin-Jallieu et Domarin, du Président du SAN, et des Maires de Vaulx-Milieu et Four) ». Le projet de territoire apparaît dès lors davantage comme un exercice assez formel avec peu de prise sur les communes.
Aucune maîtrise d’ouvrage n’est d’ailleurs désignée pour mettre en œuvre les orientations du projet.

670.

Projet de territoire Nord-Isère (Version n°4), mai 2003, p. 28.

671.

Sauf quelques exceptions notables : Bourgoin-Jallieu envisage d’accueillir 2 000 logements neufs en 10 à 15 ans et L’Isle d’Abeau demande de réserver pour le moyen terme la possibilité de construire entre le quartier de
« Pierre Louve » et celui de « Champfleuri » sur Bourgoin-Jallieu, ainsi qu’au pied de « Fondbonnière ».
Cette politique volontariste s’explique en partie par la concurrence que se livrent ces deux communes pour le leadership politique et territorial de la future agglomération Nord-Isère.

672.

Cela concerne le secteur dit des « Plateaux Sud ». L’Etat possède une réserve foncière substantielle, de l’ordre de
88 hectares sur Vaulx-Milieu et 118 hectares sur Four. Ces plateaux comprennent des secteurs importants à vocation « d’urbanisation agglomérée » dans le SDAU. Le projet de territoire Nord-Isère confirme cette vocation : « Les plateaux Sud sont concernés par deux enjeux complémentaires : le développement résidentiel et celui des espaces de sport et de loisirs de plein air ». (Projet de Territoire Nord-Isère (Version n°10), juin 2004, p. 27, p. 31 et p. 48).

673.

Compte rendu du Comité de pilotage du SATIN (en présence des Présidents des PLH du SIVOM des deux cantons de Bourgoin-Jallieu et du SAN de L’Isle d’Abeau), 11 septembre 2003, p. 2.

674.

Lettre adressée au Préfet de l’Isère par le Directeur Départemental de l’Equipement le 30 septembre 2003.
« La capacité de ce territoire à répondre avec 7 500 logements projetés dans les 10 ans, à une forte demande compatible avec le développement attendu de la métropole lyonnaise, ne paraît pas démontrée. En effet, cet objectif permettrait simplement de maintenir le poids démographique relatif actuel du SATIN et constitue donc une valeur minimale au regard de l’objectif pourtant partagé et affiché par l’avant projet de DTA, de maîtrise de l’étalement urbain en s’appuyant sur des pôles existants, en particulier le SATIN, pour en faire le 3ème pôle de la métropole lyonnaise […]. A l’évidence, il faut envisager l’ouverture de quartiers nouveaux sur l’agglomération en plus des croissances par greffes et densification actuellement pratiquées […]. C’est pourquoi, il est indispensable de tendre à la fusion et à l’élargissement des deux CLH de Bourgoin-Jallieu et de la ville nouvelle […]. Dans ce contexte, il est proposé de ne pas renouveler la convention post PLH relative au seul CLH de Bourgoin-Jallieu, et de retenir au moins le périmètre des deux CLH à élargir éventuellement à celui du SATIN. Ces observations ont été réitérées lors du séminaire des services de l’Etat du 27 février 2004 (Note rédigée par les services de la Sous-Préfecture de
La Tour-du-Pin reprenant l’ensemble des avis des chefs de services déconcentrés de l’Etat, 15 octobre 2003, pp. 2-3)
.

675.

Projet de territoire Nord-Isère (Version n°10), juin 2004, p. 27.

676.

En revanche, les techniciens de l’EPIDA ont tenté de pondérer les hypothèses d’accueil de logements nouveaux validées par les élus locaux dans leurs PLH et incluses dans le chapitre sur l’habitat en indiquant en regard le nombre de logements qu’ils ont effectivement autorisés sur la période 2000-2002. Cet exercice permet d’afficher un différentiel de 100 logements sur le périmètre du SATIN (850 logements ont été autorisés contre un scénario d’accueil de l’ordre de 750 logements dans les PLH). Toujours pour contrebalancer les modifications demandées par les élus,
les techniciens de l’EPIDA ont inséré dans le chapitre sur l’habitat une longue introduction dans laquelle trois approches différentes sont présentées : les projections de population à l’horizon 2030 réalisées par l’INSEE,
les tendances de la construction de logements élaborées par l’EPIDA sur la période 1997-2002 à partir des données de la DRE Rhône-Alpes, et les prévisions des besoins en logements réalisées dans le cadre de la DTA de l’aire métropolitaine lyonnaise. La combinaison de ces trois approches conduit à valider un rythme d’accueil de logements neufs sur la période 2005-2015 supérieur à celui affiché par les élus locaux, de l’ordre de 100 à 250 logements par an (Projet de territoire Nord-Isère (Version n°10), p. 28).

677.

Projet de territoire Nord-Isère (Version n°10), p. 29. Il faut signaler ici que cette conférence n’a pas été organisée depuis 2004.

678.

A titre d’exemple, on peut citer les orientations suivantes (Projet de territoire Nord-Isère (Version n°10), p. 30) :

« Au-delà des communes très urbaines, densifier autour de quelques noyaux (amélioration de l’habitat ancien, greffes de villages…) et localiser l’habitat en fonction des capacités d’extension des réseaux et en cohérence avec l’offre de transports collectifs, ce qui suppose notamment de développer l’urbanisation sur les coteaux et sur les plateaux, au plus près des pôles existants ;

[…] augmenter sensiblement la part du parc non social, trop peu présent dans les cinq communes
en contrat de ville, particulièrement Villefontaine et L’Isle d’Abeau ».

679.

Comptes rendus des entretiens entre les techniciens de l’EPIDA et les maires de chaque commune du SATIN, EPIDA, Dossier projet de territoire, janvier-février 2003.