Le projet de territoire a subi d’autres modifications que nous qualifions de « mineures », et en particulier les chapitres concernant les déplacements et les transports. Certains élus ont souhaité que le projet de territoire mentionne la « mise à l’étude du contournement routier de Bourgoin-Jallieu » et le « renforcement de la desserte en transports collectifs entre Lyon et le Nord-Isère ».
La première modification résulte tout d’abord de la volonté des élus berjalliens de contraindre l’Etat à poursuivre l’aménagement de la RN6 au-delà de ce qui est prévu au Contrat de Plan Etat-Région 2000-2006 684 . La deuxième modification doit être replacée dans le contexte à la fois de l’augmentation des déplacements entre Lyon et le Nord-Isère et des conséquences que la composante fret de la liaison ferrée Lyon-Turin pourrait engendrer sur le territoire si elle venait à emprunter l’infrastructure actuelle entre Bourgoin-Jallieu et Saint-André-le-Gaz. La réalisation de cette liaison ferroviaire se ferait en effet au détriment de l’ouverture de nouveaux sillons qui permettraient justement d’assurer une desserte cadencée de type « RER » entre Lyon et les quatre gares du Nord-Isère 685 . En inscrivant cet objectif dans le projet de territoire, les élus locaux interpellent ici directement la Région Rhône-Alpes en tant qu’autorité organisatrice des transports.
Enfin, une dernière modification résulte de la volonté des élus locaux de voir mentionner la nécessité de mettre en cohérence l’organisation administrative des services publics avec le périmètre de la future communauté d’agglomération 686 . L’harmonisation des périmètres des services de l’Etat fait d’ailleurs partie des orientations défendues depuis le début des années 1980 par les élus locaux.
L’EPIDA produit une dernière version 687 du projet de territoire en juin 2004 pour tenir compte de l’ensemble des avis des collectivités locales et des observations des services de l’Etat 688 . Mais la question peut se poser de la valeur juridique de ce document dans la mesure où la version de juin 2004 n’a pas fait l’objet d’une nouvelle délibération du SATIN ni des communes concernées. Pour les responsables de l’EPIDA, il n’était pas nécessaire de les faire délibérer à nouveau dans la mesure où les modifications ont été demandées et approuvées par les communes elles-mêmes. Les observations des services de l’Etat ne leur paraissaient pas non plus bouleverser l’économie générale du projet de territoire.
En réalité, il s’agissait surtout d’éviter toutes nouvelles consultations qui auraient pu remettre en cause les orientations fondamentales du projet ayant déjà fait l’objet d’un accord. En outre, la nécessité de consulter à nouveau le SATIN et les vingt-sept communesaurait entraîné un allongement des délais et une réouverture d’un débat politique pouvant bloquer la procédure d’élaboration du Contrat d’agglomération Nord-Isère 689 , dont nous rappelons qu’il traduit les priorités communes des différents signataires 690 pour le développement de l’agglomération, telles qu’elles ressortent du projet de territoire. Il faut signaler ici que trois mois avant la publication définitive du projet de territoire, les communes de L’Isle d’Abeau, Four et Vaulx-Milieu avaient présenté un recours auprès du Tribunal Administratif pour suspendre l’arrêté préfectoral du 30 janvier 2004 qui reconduisait le SATIN (i.e. la structure qui porte à la fois le projet de territoire et le Contrat d’agglomération), jusqu’à l’avènement de l’agglomération Nord-Isère.
La question de la valeur juridique du projet de territoire de juin 2004 peut également se poser par rapport au texte sur lequel s’est initialement prononcé le Conseil de Développement Nord-Isère. Ce dernier a en effet formulé un avis sur la version n°8 du projet de territoire 691 , élaborée sur la base du document présenté en séminaire du SATIN le 17 mai 2003, amendé suite aux observations des élus, et non sur la version définitive (i.e. la version n°10) qui inclut notamment les observations des services de l’Etat 692 … et dans laquelle nous retrouvons pourtant l’avis du Conseil de développement en annexes. Nous rappelons par ailleurs que le Conseil de développement n’a pas été associé à l’élaboration du projet de territoire ni même consulté au cours de la réalisation du diagnostic et de la définition des orientations fondamentales, bien que la LOADDT et le décret d’application du 21 décembre 2000 l’imposent. Au final, le projet de territoire définitif est transmis à l’ensemble des communes du SATIN en juin 2004 sans qu’elles aient délibéré formellement sur cette version 693 . Ce procédé est à l’évidence identique à celui que nous avons décrit pour l’élaboration et l’approbation du SDAU de la ville nouvelle en 1975.
Ce dernier prévoit uniquement l’aménagement de deux tronçons entre La Verpillère et L’Isle d’Abeau d’une part, et entre L’Isle d’Abeau et Bourgoin-Jallieu, d’autre part, pour un investissement de l’ordre de 12,2 millions d’euros. Selon la DDE, la déviation de la RN6 « devrait plutôt relever d’une stratégie d’organisation globale des déplacements, dans une logiques intermodale, à élaborer préalablement dans le cadre d’un plan de déplacements urbains […]. En tout état de cause, seuls des crédits au titre de la voirie primaire gérés par le Secrétariat Général des Grandes Opérations d’Urbanisme (SGGOU), susceptibles d’être mobilisés dans le cadre du retour au droit commun de la ville nouvelle, pourraient permettre de répondre à de nouveaux besoins en matière d’infrastructures routières, au-delà des crédits d’investissement déjà contractualisés au CPER 2000-2006 ». (Lettre adressée au Préfet de l’Isère par le Directeur Départemental de l’Equipement le 30 septembre 2003).
Saint-Quentin-Fallavier, La Verpillière, L’Isle d’Abeau et Bourgoin-Jallieu. Seules les gares de La Verpillière et de Bourgoin-Jallieu figurent parmi les gares de niveau intermédiaire retenues au Contrat de Plan Etat-Région 2000-2006 au titre d’un programme d’amélioration.
Projet de territoire Nord-Isère (Version n°10), p. 36. « Enfin, le territoire Nord-Isère souffre de la bipolarité des périmètres d’intervention des services de l’administration autour de Vienne et de La Tour-du-Pin avec des problèmes d’harmonisation des périmètres d’intervention des services de l’administration (sécurité, santé, justice, sécurité sociale, services fiscaux, etc.) ».
Version n°10.
DDE, DDCCRF, DDJS, DDASS, DDAF/MISE, DIREN, SDIS, Rectorat de Grenoble, Inspection Académique, Service Départemental de l’Architecture et du Patrimoine, Groupement de Gendarmerie.
Parallèlement à la mise au point du projet de territoire, les techniciens de l’EPIDA préparent pour le compte du SATIN un projet de Contrat d’agglomération, dont la finalité est de mettre en œuvre les objectifs définis dans le projet de territoire.
Etat, Conseil Régional Rhône-Alpes, Conseil Général de l’Isère et SATIN.
Projet de territoire Nord-Isère, Version n°8, 23 février 2004, 88 p.
La consultation étant obligatoire, l’autorité administrative aurait du saisir de nouveau le Conseil de développement. La consultation devait de surcroît être considérée comme « périmée » car des changements de fait se sont produits entre la version n°8 et la version n°10 du projet de territoire. C’est toujours en fonction d’un certain contexte qu’un avis est rendu et il est normal que le changement de circonstances puisse remettre
en cause l’effectivité d’une consultation.
Signalons ici que ni les collectivités locales ni l’Etat n’ont « réclamé » de nouvelles délibérations, comme si aucun de ces acteurs n’accordait finalement beaucoup d’importance à ce document. Cette remarque rejoint celles que nous avons formulées lorsque nous avons abordé l’atonie des élus quant à leur participation dans l’élaboration du projet de territoire.