Les instruments coercitifs

La contrainte juridique de l’emboîtement hiérarchique des procédures de planification

Nous remarquons tout d’abord que les pratiques des acteurs publics (i.e. les gouvernants et les appareils de l’Etat central) sont encadrées par des principes normatifs stables (hiérarchie des actes juridiques, universalisme, formalisme, etc.). En proposant une architecture de cohérence emboîtée des documents de planification (DTA, SCOT, Projet de Territoire, PLU) dans un organigramme rationnel, la loi SRU inscrit la planification dans les dispositifs de la Loi d’Orientation Foncière de 1967 qui visaient à organiser et à maîtriser les évolutions territoriales en partant « d’en haut ». La loi SRU réitère pleinement ce modèle intégré : à l’intercommunalité d’agglomération élargie correspond un système de planification globale qui doit intégrer de façon cohérente tous les aspects de la vie urbaine (SCOT) ainsi que les directives territoriales (DTA), et contrôler les planifications locales (PLU). Le projet de territoire doit notamment contribuer à concrétiser les orientations de l’Etat résultant de la DTA de l’aire métropolitaine lyonnaise, en particulier celles liées à la vocation de l’agglomération Nord-Isère d’être le troisième pôle de l’aire métropolitaine lyonnaise.

Il faut signaler par ailleurs que cet emboîtement hiérarchique des documents de planification reproduit exactement celui qui a encadré la réalisation de la ville nouvelle. Trois documents ont jalonné l’étape de la conception puis de la mise en oeuvre de L’Isle d’Abeau : le schéma d’aménagement régional établi par l’OREAM, le dossier « propositions » présenté par la Mission d’Etude et d’Aménagement de la Ville Nouvelle, et le SDAU qui reprend les différents objectifs d’aménagement et les met en forme conformément aux recommandations contenues dans la Loi d’Orientation Foncière.

Depuis, il est vrai que les collectivités locales se voient attribuer une certaine autonomie d’action pour concevoir leur planification territoriale. Mais il semble que ces concessions aient été remplacées par des prescriptions ordonnançant la démarche à suivre pour élaborer le projet (M. Bonneville, 2005). Sans prétendre dicter les contenus, la loi SRU et les documents de planification d’échelle régionale comme les DTA, proposent en quelque sorte une démarche didactique obligatoire, des figures indispensables qui doivent être reprises par les planificateurs locaux dans l’éventualité de contractualiser avec les grands partenaires (Etat, Région, Département). Les documents de planification et la loi n’imposent pas, mais prescrivent la démarche et les principes d’action.

Cette unité de représentation, qui est en quelque sorte la condition de l’unité d’action, se fonde notamment sur la base de finalités dont les valeurs ne sont plus discutées. Sur ce référentiel « permanent » repose ainsi un ensemble d’actions et de règles collectives qui paraissent d’autant plus légitimes que les images et représentations utilisées semblent naturelles. Quelles que soient les valeurs morales que nous leur accordons, nous avons vu que leur enjeu est de créer le cadre de production de l’unité politique, et par conséquent l’unité de l’action collective.

A l’évidence, ces démarches de statut quo des modes de l’action publique offrent l’avantage de contenir les débats et de maintenir les équilibres d’intérêts. D’une certaine manière, le modèle « conventionnel de projet de territoire » demeure un rituel d’exercice formel par suite de l’empire des jeux organisationnels et d’intérêts.