Force est de constater que la phase de conception du projet de territoire apparaît tout aussi fermée aux acteurs sociaux que celle du SDAU de la ville nouvelle. Nous avons notamment souligné que le Conseil de développement Nord-Isère n’a pas participé à son élaboration : afin de réduire les possibilités de pressions externes sur les activités de l’EPIDA et du comité de pilotage du SATIN, son intervention s’est vue limitée à la production d’un avis, lequel n’a pas porté de surcroît sur la dernière version du projet… Les deux prérogatives essentielles dont jouit un conseil de développement (i.e. l’obligation d’être consulté au cours de l’élaboration du projet de territoire et de produire un avis sur le projet définitif) n’ont donc pas été respectées 734 , quand bien même l’autorité décisionnelle n’est en aucune façon liée par l’avis qu’il a rendu… La portée « symbolique » de cet avis est par ailleurs renforcée par l’incapacité des représentants de la « société civile » à pouvoir réellement définir et infléchir les objectifs du projet et plus largement le cadre cognitif.
Pour ce faire, ils auraient dû avoir accès à toutes les ressources qui leur auraient permis de faire valoir leurs valeurs et défendre leurs intérêts. Or, à l’heure actuelle, les conditions ne sont pas réunies pour que les représentants de la « société civile » puissent accéder aux moyens et espaces d’action (i.e. l’hinterland) que détiennent les autres acteurs impliqués. Leur influence demeure en effet (très) orientée et limitée par un ensemble de règles procédurales formelles, ainsi que par des « us et coutumes » (règles informelles), y compris de la culture organisationnelle des différents services et autorités administratifs, qui annihilent toute possibilité de s’opposer aux objectifs envisagés par la structure politico-administrative et toute émergence de nouvelles formes de partenariat et de participation susceptible d’intégrer l’ensemble des acteurs formant l’environnement « social » 735 du projet de territoire.
Si la composition du Conseil de développement Nord-Isère est plus « large » que celle de laCLAU de la ville nouvelle dans la mesure où il intègre des représentants des milieuxéconomiques, sociaux, culturels et associatifs, nous ne sommes pas certains qu’il soit représentatif de tous les intérêts en jeu.Les milieux économiques par exemple ne sont représentés que par des médiateurs (i.e. les chambres consulaires) et de nombreux corps intermédiaires de la société demeurent absents 736 .Or pour que le projet de territoire ait une certaine légitimité garante de son efficacité, il est indispensable que son élaboration soit ouverte à un plus grand nombre d’acteurs publics ou privés susceptibles d’entrer dans une démarche partenariale.
A cet égard, la consultation ne peut tenir lieu de participation du public et des acteurs. Cette insuffisance fragilise à l’évidence la mise en œuvre du projet de territoire puisqu’une part importante des intérêts n’y sont pas représentés ou associés. Un tel document n’a pas en effet le pouvoir d’engager des actions et de mobiliser les investissements nécessaires. Il n’a pas non plus valeur d’engagement à faire pour les acteurs publics et encore moins pour les acteurs privés. C’est essentiellement à la future intercommunalité et aux communes qui la composeront qu’il incombe de mettre en œuvre les objectifs avec les moyens nécessaires.
Ce que nous pouvons redouter, ce n’est pas tant une déviation par rapport aux objectifs mais plutôt que ceux-ci ne soient pas atteints par manque soit de financements, soit de volonté politique, soit de consensus entre les acteurs. Les difficultés sont encore plus importantes pour les domaines qui requièrent un engagement des acteurs privés alors même qu’ils n’ont pas été étroitement associés à la définition des objectifs ou que leurs logiques sont étrangères aux préoccupations du développement urbain au niveau local. Or ces domaines, qu’il s’agisse du développement économique ou du développement social, constituent les axes fort du projet de territoire et de sa stratégie. De ce point de vue, son élaboration, mais aussi sa mise en œuvre, supposent un changement de méthode car il ne peut plus relever que de l’application des dispositifs réglementaires : la construction d’un partenariat public-privé selon des modalités toutes différentes devient primordiale.
Décret du 21 décembre 2000. Nous pouvons rappeler ici brièvement les règles qui s’attachent à ce type d’obligation. Lorsque la consultation est obligatoire car imposée par la loi, il s’agit d’une formalité substantielle et sa méconnaissance est susceptible d’entacher l’acte d’illégalité pour vice de procédure. La jurisprudence administrative consacre en quelque sorte un principe de loyauté qui impose à l’autorité décisionnelle le respect d’un certain nombre de règles. Tout d’abord l’organisme à consulter doit s’être prononcé dans sa collégialité :
il doit y avoir eu une véritable délibération. Ensuite l’organisme doit se prononcer en connaissance de cause : l’autorité décisionnelle doit lui communiquer en temps utile tous les éléments nécessaires d’appréciation.
Enfin, le projet d’agglomération est approuvé par délibérations concordantes des EPCI et des communes intéressées après la consultation du conseil de développement. Or dans le cas du projet de territoire Nord-Isère, la procédure a été inversée : le Conseil de développement a été consulté une fois le projet de territoire approuvé par le SATIN et les communes concernées…
L’environnement social se compose de groupes d’intérêts et d’acteurs individuels qui, en règle générale, représentent les groupes cibles ainsi que les bénéficiaires finaux et éventuellement les tiers (réunis dans l’espace du projet du territoire Nord-Isère).
Nous pensons notamment aux acteurs administratifs, scientifico-techniques, etc.